Gardiens

6 septembre 2024 -

TMR

 

Nous nous battons pour la liberté d'expression au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, pour faire entendre les voix du centre du monde. Nous accueillons les écrivains et artistes de la région ainsi que de la diaspora, en leur donner une tribune. Nous encourageons au quotidien la créativité, la liberté d'expression, mettons en valeur la critique, les idées et la liberté d'information, sans que la police ne vienne frapper à nos portes ou sans être censurés par ceux qui n'apprécient pas ce que nous publions.

Notre mission est de faire en sorte que des personnes comme Alaa Abd El Fattah et Narges Mohammadi soient libérées des prisons égyptiennes et iraniennes ; que le tireur de l'armée israélienne qui a assassiné la journaliste américaine palestinienne Shireen Abu Akleh, ainsi que ses complices d'IDF soient menés en justice ; que l'élite saoudienne qui a tué Jamal Khashoggi paie pour son crime ; que les criminels de guerre soient poursuivis en justice pour le meurtre de sang-froid de journalistes, de poètes et d'écrivains, que ce soit à Gaza ou ailleurs ; que les médias américains, anglais et européens parlent librement des droits des Palestiniens, et appelent au respect et à la défense du droit international par toutes les nations.

En revanche, nous vivons dans un monde qu'Orwell avait prédit il y a plusieurs décennies. Un monde dans lequel le gouvernement est comme un Big Brother qui nous surveille tous. Et il ne faut pas se leurrer, les géants des médias sociaux travaillent main dans la main avec les gouvernements. Il y a le capitalisme et l'impérialisme, il y a un ordre mondial, et il ne répond pas aux Nations unies ni à la Constitution des États-Unis. La menace du contrôle et de la censure reste une grave menace pour la liberté partout dans le monde.

Mais qui contrôle le flux d'informations ? Les nouvelles, faits, idées qui se partagent et se discutent ? Qui est publié, qui est contrôlé ? Qui sont les gardiens d'aujourd'hui ? Les gardiens sont ceux qui se tiennent aux portes de l'édition, des médias grand public, à l'entrée des institutions gouvernementales ; ce sont les personnes qui contrôlent, médiatisent et souvent s'opposent ou nient le travail ou les paroles d'autres personnes...

Dans ce numéro de The Markaz, le juriste constitutionnel Stephen Rohde nous avertit que nous devrions nous méfier de la surveillance gouvernementale, qui peut envoyer des gens en prison pour s'être exprimés librement, qui interdit des livres et fait pression sur les universités pour qu'elles renvoient les professeurs et les administrateurs qui ne sont pas en accord avec leurs opinions politiques. L'universitaire Omar Zahzah analysent les politiques de censure de Facebook, ou Meta, qui limite les discours pro-palestiniens et antisionistes. Dans son analyse de l'ouvrage Egypt under El-Sisi : A Nation on the Edge, Elias Feroz parle des barrières de la politique intérieure et étrangère egyptienne.

Les écrivains Nektaria Anastasiadou, Ammiel Alcalay et Maha Al Aswad nous parlent des voix alternatives d'écrivains qui ne correspondent pas nécessairement à l'idée que le monde de l'édition se fait de ce qui est acceptable. Depuis le Liban, Joumana Haddad observe que lorsque les fanatiques religieux libanais ne se battent pas entre eux, ils font les meilleurs compagnons de guerre contre la modernité, la laïcité et la liberté d'expression.

Par ailleurs, notre rédactrice littéraire Malu Halasa a sélectionné deux nouvelles, de Farah Ahamed et Ali Ramthan Hussein, qui nous alarment et nous surprennent, et nous amènent peut-être à repenser ce que nous tenons pour acquis. Elle a également rassemblé un diaporama fascinant pour la rubrique Artistes en vedette de ce mois-ci, sur les camps de réfugiés, le contrôle et les vies dépossédées par les artistes Heba Tannous, Mahmoud Alhaj, Tayseer Barakat, Alaa Albaba et le photographe Iason Athnasiadis.

Nous sommes conscients que The Markaz Review exerce un rôle de gardien en n'acceptant pas tout ce qui nous est présenté. Mais nous pouvons affirmer sans hésitation que lorsque quelque chose est rejeté, ce n'est pas pour ses idées ou son contenu, mais pour la qualité de l'écriture et de clarté des idées exprimées. En fin de compte, c'est vous, les lecteurs, les seuls gardes à qui nous rendons des comptes.

-Jordan Elgrably

Jordan Elgrably est un écrivain et traducteur américain, français et marocain dont les récits et la non-fiction créative ont été publiés dans de nombreuses anthologies et revues, notamment Apulée, Salmagundi et la Paris Review. Rédacteur en chef et fondateur de The Markaz Review, il est cofondateur et ancien directeur du Levantine Cultural Center/The Markaz à Los Angeles (2001-2020). Il est l'éditeur de Stories From the Center of the World : New Middle East Fiction(City Lights, 2024), et co-éditeur avec Malu Halasa de Sumūd : a New Palestinian Reader(Seven Stories, 2025). Basé à Montpellier, en France, et en Californie, il écrit sur Twitter @JordanElgrably.

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