Focus sur 3 artistes programmés au Festival Radio France: Naïssam Jalal, Fazil Say et Azu Tiwaline

17 juillet 2023 -
TMR a eu le plaisir de rencontrer trois artistes aux trois univers avant leurs concerts en ce moi de juillet dans la cadre du Festival de Radio France à Montpellier : le pianiste-compositeur de jazz et de musique classique turc Fazil Say, la flûtiste syrienne Naïssam Jalal et la fée de l'électronique sahraouie Azu Tiwaline.

 

Sarah Naili

 

Tout le monde sait ou devrait savoir que le sud de la France est un paradis pour les amateurs de culture, surtout pendant l'été, où l'on peut assister - pour ne citer que quelques uns des milliers d'événements annuels - le festival de théâtre d'Avignon, le festival de photographie d'Arles ou encore le festival de concerts de Radio France à Montpellier, qui a lieu chaque année en juillet depuis 1985; un évènement incontournable pour les passionnés de musique.

Pour cette édition 2023, du 17 au 28 juillet, les organisateurs du festival font le pari de l'ouverture et de la diversité musicale, tourné vers la jeunesse, la transmission et l'avenir, avec plus de 100 concerts. On y retrouve bien sûr des concerts de classique avec ses grands orchestres, mais aussi du Jazz, ainsi que des lives set de musique électronique dans le cadre du Tohu Bohu. Pour citer Radio France, "la musique est le grand résonateur du monde, traduisant dans ses ruptures esthétiques les bouleversements de la société dont elle est l'émanation".[1]

La Markaz Review a eu le plaisir d'interviewer trois artistes du festival avant leurs concerts : Fazil Say (jazz/classique), Naïssam Jalal (musique de chambre) et Azu Tiwaline (électronique). 

Le bon plan de TMR :

Azu Tiwaline - Dim, 23 Juillet 2023 - 18:00  Azu Tiwaline nous présentera un mix mid-tempo de deux heures loin des formats électro habituels ; concert gratuit au Parc du Château d'Ô - Espace des Micocouliers II.

Azu Tiwaline est DJ et productrice franco-tunisienne-cambodgienne basée à Tozeur dans le désert tunisien. C'est un nouveau nom pour un nouvel esprit : celui d'une productrice animée par le besoin de rechercher un son différent dans ses origines enracinées dans le Sahara et la région d'El Djerid (sud de la Tunisie).

Fazil Say en concert au Corum, Opéra Berlioz - Mardi 25 juillet 2023 - 20:00

Interprète, compositeur, pianiste, Fazil Say est un homme de liberté. Nourri de jazz, il joue Bach et Beethoven avec une fantaisie qui lui est propre.

Né à Ankara, où il a étudié le piano et la composition, Fazil Say a complété sa formation en Allemagne. Sa connaissance de la poésie turque, sa curiosité et ses choix musicaux, partagés entre l'Orient et l'Occident, l'ont amené à pratiquer le jazz en tant qu'interprète et compositeur.

Fazil Say n'est pas un inconnu pour le public montpelliérain, puisqu'il s'est produit pour la première fois en France en 1995 dans le cadre du festival, où il a été invité à plusieurs reprises par la suite. Il nous propose ici un programme qui lui ressemble : La prodigieuse Chaconne de Bach pour commencer (mais dans la transcription de Busoni), puis Haydn et Beethoven dans la grande tradition classique viennoise, et pour finir quelques-unes de ses oeuvres, dont il nous laisse la surprise.

Naïssam Jalal en concert au Théâtre de l'Agora - Mercredi 26 Juillet, 2023 - 22:00

Flûtiste et compositrice pour son spectacle "Healing Rituals", présenté comme une "musique qui soigne le corps et l'âme". Née à Paris de parents syriens, Naïssam Jalal a construit son identité musicale au carrefour de multiples influences, étudiant la musique classique au Conservatoire, puis la tradition arabe à Damas et au Caire, avant de se tourner vers la musique africaine, sans oublier bien sûr le jazz. [En 2011, Naïssam Jalal fonde avec quatre musiciens talentueux l'ensemble cosmopolite "Rhythms of Resistance", en hommage à la révolution syrienne qui l'a fait connaître.] Toutes ces influences résonnent dans "Healing Rituals", sans doute son projet le plus profond et le plus personnel à ce jour. Inspiré par sa propre expérience de la maladie ainsi que par ses interventions musicales en milieu hospitalier, ces "rituels de guérison" imaginaires font appel à la puissance des éléments primordiaux (terre, lune, vent, soleil) pour renouer avec les valeurs essentielles du silence, de la transe et de la beauté. Mieux qu'un voyage : un cheminement spirituel ressourçant aussi bien le corps que l’âme.


INTERVIEWS

  • Comment êtes-vous arrivé.e à la musique ?

Naïssam Jalal: Mes parents sont de grands mélomanes. Ils m'ont encouragée à choisir un instrument et à étudier la musique.

Fazil Say: J'ai commencé à faire de la musique très tôt avec des instruments jouets. Je composais et jouais ce que j'entendais sur les disques et à la radio. À l'âge de cinq ans, j'ai commencé à étudier avec mon premier professeur de piano, Mithat Fenmen, qui avait étudié en France et avait été l'élève d'Alfred Cortot. Mithat Fenmen était un pianiste, un professeur de piano et un écrivain musical de grande valeur, qui a contribué de manière significative au développement de la musique polyphonique en Turquie. Il me faisait improviser pendant les cours de piano. Il m'a également encouragé à devenir compositeur.

Azu Tiwaline: Un peu par hasard... Après avoir géré un label techno au début des années 2000, dans le sud de la France, j'ai décidé de me lancer dans la production de tracks ainsi que le live et de m'y consacrer pleinement. C'était un pur hobby qui est devenu une passion au fil du temps. En tant qu'autodidacte, cela a été très long avant que je me considère comme une productrice et musicienne.

  • Qu'est-ce qui vous inspire le plus de votre pays d'origine ?

NJ : L'hospitalité des gens, leur gentillesse, l'honneur qu'ils et elles mettent à accueillir l'étranger. Lorsque la révolution a commencé en Syrie en 2011 le courage du peuple syrien m'a saisi et j'éprouve une admiration sans limite pour leur courage, leur dignité et leur résilience malgré tout.

FZ : Le fait que la Turquie possède une riche structure culturelle entre l'Orient et l'Occident se reflète bien sûr dans ma musique. En fait, je peux dire que j'ai créé un pont naturel entre l'Orient et l'Occident avec ma musique tout au long de ma vie. J'ai joué Beethoven, Mozart, Bach, Schopenhauer dans de nombreuses villes turques, même dans des endroits reculés où aucun concert n'est organisé. J'ai essayé de promouvoir la musique occidentale. Dans de nombreuses villes du monde, j'ai joué des œuvres inspirées du folklore turc, des événements en Turquie, des rythmes et des mélodies turcs. La musique a toujours été un pont naturel dans ma vie.

AT : Mon pays d'origine... J'ai des racines tunisiennes et cambodgiennes, mais j'ai grandi en Côte d'Ivoire. C'est celui-ci mon pays d'origine, celui de mon cœur et des souvenirs d'enfance qui nous construisent. J'ai été bercée par les rythmes de percussions traditionnelles de l'Afrique de l'Ouest et, c'est ce qui m'inspire le plus.

  • Quelle place occupe la musique dans votre vie ?

NJ: Toute la place. Ma musique est mon moteur, ce qui me maintient debout et me permet d'avancer, de rêver, d'avoir envie. La musique est une thérapie qui m'aide à faire face à la violence de notre monde et aux injustices de notre société. Ma musique me permet de dire ce que je ne peux pas exprimer avec des mots.

FZ: La musique est pour moi comme l'oxygène et l'eau. C'est peut-être ma vie même, un besoin naturel... C'est pourquoi je n'ai jamais considéré la musique uniquement comme une profession. Pour moi, la musique est l'art de s'exprimer.

AT : La musique occupe toute la place dans ma vie. Quand je ne produis pas, j'en écoute inlassablement. Et quand je n'en écoute pas, je suis toujours en train de l'imaginer dans ma tête. C'est une nourriture pour mon esprit, indispensable à mon équilibre.

  • Quelles sont vos sources d'inspiration ?

NJ: Dans ma musique, je parle de ma vie et du monde dans lequel je vis. À Montpellier, je présenterai un répertoire de rituels de guérison imaginaires que j'ai composés pour soigner, pour faire du bien, à moi-même et aux autres. La nature a joué un rôle très important comme source d'inspiration, et dans chaque rituel j'ai essayé de retranscrire l'énergie bienfaisante de chaque élément qui m'inspire : la rivière, la forêt, la lune, le soleil, la brume, les collines, le vent ou la terre. Je m'inspire aussi du jazz modal, de la musique du Sahara, le gnawa, l'arabe classique, l'hindoustani, et bien d'autres choses encore.

FZ: "Ma musique se nourrit de crises, de passions et de frustrations. En un sens, je dirais presque que j'ai de la chance de vivre dans un Moyen-Orient cerné par de tant de problèmes, militaires, ethniques ou religieux, qui sont des sources d'inspiration quotidiennes."[2]

AT: Je suis très sensible à l'environnement qui m'entoure, surtout lorsqu'il s'agit de créer. La nature, les grands espaces, les lieux isolés, coupés du monde et du temps... j'en ai besoin pour trouver l'inspiration. Et je puise mon inspiration dans l'introspection, l'imagination, les sentiments et les émotions.

  • Avez-vous un souvenir en particulier avec la ville de Montpellier ?

NJ: Oui, les immenses plages et les vendeurs de moules.

FZ: Le Festival de Musique de Montpellier occupe une place particulière dans ma vie. En effet, c'est un festival où j'ai joué depuis le tout début de ma carrière, c'est-à-dire depuis l'âge de 20 ans. C'est à Montpellier que j'ai donné mon premier concert en France et, bien sûr, je m'y suis fait beaucoup de souvenirs et d'amis au fil des ans. Depuis mon premier concert, il y a une trentaine d'années, je peux dire que j'ai grandi avec le festival. J'aime aussi beaucoup la ville de Montpellier. C'est un endroit plein de beaux souvenirs pour moi.

AT J’ai énormément de souvenirs à Montpellier car j’y étais au Lycée (Mermoz). Les premières raves des Pingouins, Stefanovitch, la Gluck famille ... Les jardins du Pérou, les friperies dans les rues piétonnes... C'était la fin des années 90... J'ai adoré cette période.

  • Quels sont vos prochains projets musicaux ?

NJ: Un projet autour de la musique de l'Inde du Nord et les paysages qui l'habitent.

FZ : J'ai un projet d'album de chansons dans lequel je compose des œuvres de femmes poètes qui occupent une place importante dans la littérature turque. Nous venons de terminer l'enregistrement de l'album, qui comprend 11 chansons. Je compose également une nouvelle symphonie, qui sera ma sixième symphonie. La première représentation de cette œuvre aura lieu à Istanbul. Mes autres symphonies ont été jouées dans de nombreuses villes de France. J'espère que cette nouvelle symphonie sera également entendue ici après Istanbul.

AT: Je sors actuellement mon deuxième album, The Fifth Dream, sur I.O.T records. Deux singles sont déjà disponibles, et l'album complet sortira en octobre. D'autres collaborations pour des EP sont en préparation, mais c'est un secret pour l'instant, donc je n'en dirai pas plus !

Pour plus d'informations, visitez le site de Radio France Occitanie Montpellier. Bon été musical.

-Sarah Naili

 

[1] Voir Radio France ici.
[2] Fazil Say dans Le Figaro.

Juriste de formation en droit européen et international, Sarah Naili a poursuivi ses études en communication et marketing. Elle a une carrière internationale de 10 ans dans divers secteurs, du e-commerce à l'ESS (économie sociale et solidaire), en passant par l'audiovisuel et le tourisme, et plus récemment dans la coopération avec la société civile dans la région MENA. Ses passions : la nature, le yoga et les voyage en solitaire ; elle a traversé l'Amérique centrale du Costa Rica au Mexique avec son sac à dos et son tapis de yoga. Bénévole dans divers festivals, elle aime l'effervescence de la scène culturelle et la mise en valeur des artistes. Très à l'écoute, elle questionne ses semblables comme une exploratrice humaine. Voyageuse et méditerranéenne dans l'âme, Sarah a vécu à Barcelone et à Tunis avant de revenir à Montpellier, sa ville natale.

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