Deux frères syriens se retrouvent dans "Nous sommes de là-bas".

22 août, 2022 -
Milad Khawam à Berlin (photo courtoisie de Wissam Tanios).


We
Are From There/Loinde chez nous (2020)
Un documentaire réalisé par Wissam Tanios
Avec Milad Khawam et Jamil Khawam
Une coproduction libano-française, 82m

 

Angélique Crux

 

Il existe de nombreux longs métrages et documentaires qui racontent l'histoire de la révolution syrienne et le sort des réfugiés syriens qui se rendent en Europe, mais le documentaire de Wissam Tanios, We Are From There, sort du lot. Le cinéaste originaire de Beyrouth a décidé de filmer ses cousins de Damas, Jamil et Milad, sur une période de cinq ans, à partir du moment où ils fuient la Syrie, en passant par le Liban, en route vers une nouvelle vie en Europe.

Ces deux frères syriens ont trouvé le courage de quitter leur pays, et leur cousin a décidé de documenter leur voyage en leur offrant des billets aller simple pour la Suède et l'Allemagne, respectivement.

 

 

Tanios aurait pu facilement tomber dans le piège d'un film dogmatique et politique, mais au lieu de cela, il retrace la vie de ses cousins d'une manière profondément humaine, en mettant l'accent sur les détails, les émotions, les sentiments et les gestes souvent capturés non pas par une caméra de cinéma, nécessairement, mais par des images de téléphone portable, avec le bénéfice de films familiaux et de journaux intimes. Si la qualité visuelle et sonore laisse parfois à désirer, le documentaire fait preuve d'une grande confiance dans sa narration, si bien qu'au fil du temps, les frères Jamil et Milad se confient au réalisateur, leur cousin, et livrent leurs plus profonds secrets.

We Are From There/Loins de chez nous est lauréat de plusieurs prix du meilleur documentaire, notamment au Festival du film arabe Val de Fensch - Fameck (France) 2021, au Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient - Saint-Denis (France) 2021, et au Festival international du film du Caire 2020, prix du meilleur film arabe et du meilleur documentaire.

Tanios, témoin de leur parcours, nous invite à nous interroger sur le droit de construire une nouvelle vie ailleurs dans l'espoir d'un avenir meilleur. Il s'interroge également sur sa propre relation à son Liban natal.

Nous sommes invités à étudier les différences entre Jamil, le menuisier, l'artisan, qui opte pour la vie à Stockholm et Milad, qui s'épanouit en tant que musicien à Berlin en créant une fusion de musique arabe, de jazz et d'électronique. Un frère est pragmatique, l'autre est un artiste et un rêveur, on peut donc s'attendre à ce qu'ils abordent leur intégration sociale différemment. Malgré tout ce qui les sépare, on sent leur besoin mutuel de ne pas perdre leur identité, de ne pas oublier la couleur de Damas, ni l'odeur du bois de la menuiserie, transmise de père en fils, lieu magique de leur enfance.

Plus tard, lorsqu'on lui a demandé s'il avait le sentiment d'avoir beaucoup changé au cours des cinq années de tournage du film, Milad a répondu : "J'ai beaucoup changé en fait. Je suis devenu une personne complètement différente. Ma conscience s'est accrue ; ma perception du monde s'est enrichie. Ma musique a changé. Mon travail a changé. Ma relation avec la ville [Berlin] a changé. Au fond de moi, j'ai pris la décision consciente de changer. J'ai essayé de faire certaines choses et ça n'a pas marché, et ça m'a fait mal quand ça n'a pas marché ; c'est ce qui m'a poussé à changer. J'avais deux choix : devenir plus fort et m'adapter à cette nouvelle vie, ou abandonner et rentrer chez moi. J'ai opté pour la première solution.

Son frère, Jamil, a toutefois fait valoir que, malgré l'établissement d'une nouvelle vie en Suède, il n'avait pas vraiment changé, mais plutôt évolué. "Je n'ai pas changé en tant que personne ; ce qui a changé, ce sont peut-être certaines idées dans ma tête", a-t-il déclaré dans une interview avec le critique de cinéma Joseph Fahim.

Même si Milad a connu un certain succès en tant que trompettiste à Berlin, il n'est pas sûr d'y rester. "Je crois que j'ai développé une dépendance à l'idée de changer d'endroit tous les deux ans et de tout recommencer. Bien que ma vie soit stable à Berlin, je ne suis pas entièrement satisfait. J'ai maintenant l'impression de vouloir plus. Il m'est impossible de me sentir chez moi ici", a-t-il confié à Fahim.

Au fur et à mesure que le film de Tanios s'achève, nous nous demandons ce qu'il restera de nos origines et ce que nous transmettrons. Ce sont les questions fondamentales que se posent inévitablement Jamil et Milad. Tantôt tombant dans l'abîme du désespoir, tantôt trouvant l'amour, ce film d'une grande pudeur nous donne des frissons sur la condition de l'expérience migratoire.

 

Angélique Crux est une humaniste qui se considère avant tout comme une citoyenne du monde, enrichie de rencontres à travers de nombreux voyages et vivant actuellement dans le sud de la France. Mime engagée, elle participe à des projets artistiques défendant des causes comme le handicap avec l'association Différent Comme Tout le Monde, et les naufragés de la mer avec l'association SOS Méditerrannée, lors d'événements ou dans les écoles.

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3 commentaires

  1. Si possible, merci de corriger mon commentaire : ... documentaire... Est le bon terme. Problème de l'écriture intuitive ! Merci

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