Quelle est ton origine ?

1er avril 2024 -
C'est épuisant de devoir dévoiler son origine à chaque début de conversation en France.

 

Sabah Haider

 

Identifiez-vous immédiatement.

"C'est ainsi que les Français disent bonjour aux personnes qui ne leur ressemblent pas ou qui n'ont pas la même voix qu'eux.

"C'est quoi ton origine?", c'est ainsi que les Français vous rappele que vous n'êtes pas d'ici et que vous ne le serez jamais.

"C'est quoi ton origine?" disent les Français : réduisez-vous sur le champ !

Comprendraient-ils si nous leur expliquions ? Que nous venons des terres qu'ils ont colonisées encore et encore. Ou peut-être qu'une partie de nous vient de là. Et d'autres parties d'un autre endroit qu'ils ont également violé. Est-ce qu' ils s'en souviennent au moins?"

"Et toi, c'est quoi ton origine ?" Cette question mécanique, dénuée de sens.

Tellement fade, sans originalité et aigri.

Je viens d'un endroit que vous ne comprendrez jamais.


Merien Elatra Ceci n'est pas un selfie
Merien Elatra Ceci n'est pas un selfie/This is not a selfie (courtoisie Saatchi Art).

Le contexte derrière "S'identifier immédiatement".

Être non-français en France, c'est finalement faire face au défi des Français qui insistent au début de chaque conversation pour savoir d'où vous venez, afin de pouvoir vous mettre dans une case... et vous/nous/je, devenons incapables d'expliquer simplement d'où nous venons en raison des complexités qui forment les réseaux de nos identités individuelles.

Sur le plan social, c'est certainement l'une des observations les plus fascinantes et les plus frustrantes que j'ai faites (et vécues). En France, l'identité n'est pas aussi fluide que ce à quoi une personne d'origine non européenne pourrait être habituée. Les habitants des pays SWANA ont connu des siècles de migration, de colonialisme et de post-colonialisme, d'émigration et d'immigration, de diaspora et de patrie, de frontières changeantes, de mariages entre familles divisées par de nouvelles frontières, etc.

Je me souviens qu'il y'a quelques années, l'expression "enfants de troisième culture (TCK) ou individus de troisième culture (TCI)" est entrée dans l'air du temps pour décrire ceux d'entre nous qui ont été élevés dans une culture autre que celle de leurs parents, de leur lieu d'origine ethnique ou de la culture de leur pays d'origine. Les TCI, qu'il s'agisse d'adultes ou d'enfants, ont vécu dans des environnements différents pendant leurs études et ont été exposés à des influences culturelles plus importantes. Le terme a finalement donné une étiquette aux enfants de la diaspora de première et de deuxième génération qui grandissent entre des cultures et des lieux différents. Réfléchir à ces termes aujourd'hui ne fait toutefois que relever le fait qu'il existe une immense complexité dans ce que nous sommes et de la manière dont nous nous identifions.

Mais en France, la complexité est évitée et rejetée. "Quelle est ton origine ?" est l'entrée en matière la plus commune et socialement acceptée dans une conversation. Pour beaucoup d'entre nous, entendre cette question mécanique n'est pas seulement épuisant, c'est fade, sans originalité et, franchement, ennuyeux.

 

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