Par-delà les déclarations enflammées, quel rôle a véritablement joué Paris dans la création et la diffusion des lettres arabes ? Celui d’un révélateur peut-être davantage que celui de “faiseur” d’écrivains et intellectuels, vision qui contribue avant tout au mythe que Paris entend bien entretenir. En exclusivité, un extrait de l'ouvrage de Coline Houssais, "Paris en lettres arabes". Paris en lettres Arabes (Actes Sud 2024).
Coline Houssais
Avril 2022, dans la succursale d’une chaîne de boulangerie dans le centre commercial de la Défense. Devant moi se tient un petit homme aux mains de femme, dont la vivacité de corps et d’esprit semble démentir ses quatre-vingt-douze printemps. À la fois encensé pour sa production littéraire et conspué par certains pour ses positions politiques, Adonis est sans conteste une figure majeure de la poésie arabe contemporaine. La rencontre a failli ne pas avoir lieu ; quelques semaines plus tôt, un premier échange téléphonique avait commencé de la sorte :
— Bonjour, je vous contacte de la part de (...) car je travaille sur un livre dédié aux écrivains et poètes arabes à Paris et...
— Cela se fera sans moi : je ne suis pas un poète arabe, je suis un poète tout court !
Des lieux de ralliement de chaque communauté à ceux qui convoquent l’humanité dans son entièreté, Paris ouvre les bras suffisamment grands pour accueillir un bout du chez-soi que l’on a laissé ailleurs, et dans un même mouvement présente chacun au monde.
Peut-être y a-t-il chez ceux qui ne sont pas de Paris le souvenir constamment renouvelé de l’émerveillement de la rencontre avec cette dernière dans une fascination des périphéries pour le centre. Au-delà de la littérature romanesque abondante traitant de cette éclosion provinciale au contact de la capitale, de Stendhal à Balzac et Maupassant, le mythe d’un Paris faiseur d’artistes et de penseurs dépasse les frontières de l’Hexagone pour résonner aux quatre coins du monde. Paris inspire et non pas seulement ceux qui sont venus la décrire. Il y a là tout d’abord la créativité stimulée par l’éloignement physique de son objet littéraire. Il y a aussi le pôle d’attraction culturel qu’a représenté progressivement la Ville Lumière à l’échelle européenne, puis mondiale à partir des Lumières. Il y a enfin la prophétie autoréalisatrice qui entoure ceux venant goûter – et par conséquent contribuer – à ce mythe parisien.
L'invisibilité des figures littéraires arabes au cours des siècles les a amenées à se positionner dos à Paris, en se nourrissant des expériences intellectuelles et personnelles que la capitale leur offre, tout en restant résolument tournées vers leur pays d'origine.
La relation entre les écrivains et Paris est en effet une histoire avant tout de représentations : comme de nombreux mythes vivants, la Ville Lumière est chargée de symboles qui n’appartiennent qu’à ceux qui les formulent. Pour beaucoup, Paris existe avant l’arrivée à Paris, renforcé par une généalogie de la présence intellectuelle arabe entre ses murs. L’arrivée à Paris est motivée par le désir de Paris comme un lieu physique et imaginaire d’inspiration dans lequel on peut se découvrir en tant qu’écrivain. Référent culturel et source d’inspiration, il induit un positionnement de l’écrivain face à Paris, alors que s’opère le passage d’une présence de la demande, où les gens de lettres sont invités à venir dispenser leur savoir, à une présence de l’offre, où leurs héritiers spirituels sont conviés en France pour se nourrir de la culture dominante de cette dernière. L’invisibilisation siècle après siècle de la présence de gens de lettres arabes aboutit a contrario à un positionnement dos à Paris, ces derniers s’appuyant sur l’expérience intellectuelle et personnelle que la capitale peut offrir tout en demeurant résolument tourné vers leur pays d’origine. Une grille de lecture qui s’applique aux Parisiens de passage comme à ceux qui y ont pris racine, notamment chez les exilés au long cours et ceux qui, ayant grandi en France et revendiquant un héritage venu de l’autre côté de la Méditerranée, interprètent en leur chair la danse parfois délicate de la double identité.
Par-delà les déclarations enflammées, quel rôle a véritablement joué Paris dans la création et la diffusion des lettres arabes ? Celui d’un révélateur peut-être davantage que celui de “faiseur” d’écrivains et intellectuels, vision qui contribue avant tout au mythe que Paris entend bien entretenir. Le plus souvent en effet, les graines sont déjà plantées : tout au plus c’est dans la Ville Lumière qu’elles germent, avant d’aller porter leurs fruits de retour chez soi ou dans un environnement plus familier, dans un étrange parallèle avec le développement personnel de l’écrivain ou de l’intellectuel qui, affirmant jeune adulte sur les bords de Seine des appétences et intérêts éclos lors d’une première initiation dans son pays d’origine, va connaître ailleurs sa maturation intellectuelle. Paris est ainsi l’antichambre de la pensée et de la création littéraire maghrébine et levantine, une caisse de résonance, un terrain d’expérimentation sur le fond comme sur la forme. Paris contribue également à l’idée même d’un “tout” littéraire et intellectuel arabe par la jonction Maghreb-Moyen-Orient qu’elle opère de manière organique comme institutionnelle, et ce particulièrement alors que, plus de mille ans après l’effritement de l’Empire omeyyade, une nouvelle impulsion politique vise au tournant du XXe siècle à rassembler les peuples de la région contre l’impérialisme européen et ottoman. De l’extérieur du monde arabe, elle est un point d’ancrage qui permet de donner vie à cette construction, et représente par là même un lieu d’équilibre et de contact, un “point de vue” entre ces deux sous-ensembles géographiques et culturels, dont l’impact se fait sentir au-delà de la France.
À l’inverse, quel rôle jouent écrivains et intellectuels arabes à Paris ? Pendant très longtemps celui de passeurs, d’honorables mais anonymes assistants, éventuellement de faire-valoir. Par leur présence, même courte, ils participent néanmoins dès le début au bouillonnement intellectuel et artistique de la Ville Lumière, contribuant à faire d’elle une capitale, et, pour les gens de lettres pétris de génération en génération de culture française en leurs propres terres, permet à Paris de rayonner à travers eux malgré la distance. L’avènement de Paris comme part intime, culturelle et linguistique d’un certain soi littéraire arabe, conséquence de siècles d’échanges et de présence réciproque, matériels ou immatériels, est cependant l’histoire d’un déséquilibre qui n’est jamais aussi visible que sous les traits d’un “Orient” souvent fantasmé, par le biais des représentations qui en sont faites, y compris par ceux qui n’y sont jamais allés. Il naît de ce déséquilibre historique un double paradoxe. Celui, français, de la fascination envers la culture arabe et du mépris envers ceux qui l’incarnent. Celui, arabe, de voir en la France à la fois le monstre colonial à combattre et le modèle de société et d’organisation politique à suivre, conspuant ainsi fréquemment la France, métonymie du pouvoir, mais aimant Paris, dans une étrange dichotomie où cette dernière se voit extraite de territoire pour exister ailleurs. Le mythe de Paris importerait-il plus que la réalité ? Ce double paradoxe, assorti d’un jeu de dupes mutuel qui s’instaure, dans un contexte où chacun utilise l’autre et les représentations qu’on s’en fait – et que ce dernier se fait de nous – pour parvenir à ses fins, collectives, ou parfois plus personnelles, conduit ainsi à une relation particulière entre Paris et les gens de lettres arabes. Un attachement réel teinté de conflictualité. Une certaine névrose en somme. Ce qui aurait pu être le titre du livre : Une si douce névrose.
Maison de la Poésie, décembre 2023. Le visage triste, Samar Yazbek (née en 1970) est apparue à l’écran, filmée par Rania Stephan. Tournée vers la caméra, elle désigne d’un hochement de tête les rayonnages de livres qui se trouvent derrière elle :
— Ma bibliothèque s’agrandit. Si je commence à constituer une bibliothèque ici à Paris, sans acheter des livres électroniques, ni emprunter des livres, c’est que je reste à Paris. C’est mon identité maintenant. Je reste là. J’ai une bibliothèque en Syrie, seule. Pose-moi une question !
Yazbek, fuyant comme tant d’autres la répression sans fin de la révolution syrienne, est arrivée à Paris en 2012 sans parler un mot de français.
Au fil des siècles, Paris a été pour beaucoup le lieu de l’acquisition d’une maturité personnelle, intellectuelle et artistique. Une expérience articulée autour d’un parcours universitaire ou professionnel et limitée dans le temps – quelques mois, une poignée d’années tout au plus. Un nécessaire passage dans ce haut lieu de la pensée et de la création avant de retourner chez soi. Aujourd’hui encore, la Ville Lumière est davantage la destination du premier avion pour fuir, une main tendue dans l’urgence et saisie par instinct de survie, quitte à poursuivre le voyage au-delà de l’Île-de-France ou à l’étranger.
Paris comme une ville-relais, une base initiale, un grand échangeur avant de partir vers d’autres horizons, parfois plus cléments, certainement moins chargés de rappels du pays perdu. Une étape qui doit à tout prix ne pas être la dernière : lorsque Mahmoud Darwich enfin résident palestinien revient en France pour une opération en 1998, c’est dans sa chambre d’hôpital qu’il écrit “Ô mort, attends que je fasse ma valise”. Si l’Irakien Saadi Youssef (1934-2021) écrit Qasâ'id Bârîs (Les poèmes de Paris), c’est lors d’un séjour parmi d’autres dans de multiples villes européennes ou méditerranéennes – il décédera finalement à Londres. Avec la période post-indépendance vient cependant celle des exils longs, miroir de la stabilité de régimes à fuir comme d’un renoncement à vivre chez soi face à la montée des conservatismes religieux ou aux crises économiques et politiques à répétition : au XXIe siècle, le nouvel exil est celui de la lassitude, et Paris l’antichambre d’un retour qui ne vient jamais. Sans compter les années qui filent sans s’en rendre compte chez ceux “qui ont goûté au cancer de la France”, effectuent des “séjours temporaires qui durent trente ans” et qui, ne comptant initialement pas rester, y auront passé par une fausse inadvertance l’essentiel de leur vie. La présence à Paris le temps d’une vie entière voire d’une génération à l’autre n’est pas nouvelle, ainsi que l’ont attesté les Mamelouks de Napoléon, créant déjà à l’époque “deux espaces imbriqués l’un dans l’autre”.
Cependant, Paris est aujourd’hui un lieu où l’on vieillit, où l’on donne naissance, et cette double identité, acquise ou innée, entraîne de nouvelles dynamiques. Parfois aussi un lieu où l’on vient mourir, levant au crépuscule de sa vie l’ancre qui retenait au pays pour aller rejoindre des proches ayant cédé plus tôt aux sirènes de l’immigration.
Nombreux sont ceux qui entretiennent une relation pendulaire avec Paris, esquissant les va-et-vient, cherchant dans chaque retour sur les bords de Seine la promesse d’une réconciliation définitive avec la Ville Lumière ou actant le renoncement de ce que l’on est allé chercher ailleurs. Avant de finir par fabriquer, un pied dans chaque, une ville idéale faite de deux moitiés imparfaites. Ce mouvement de balancier, lent chez l’écrivaine algérienne Assia Djebar (1936-2015), qui a effectué trois longs séjours parisiens, s’est accéléré avec la démocratisation du voyage, qui permet de jouer les hirondelles, tout en créant parfois un décalage : physiquement présent, on se sent mentalement ailleurs, pour au final n’être nulle part si ce n’est dans un espace intermédiaire qui n’appartient qu’à soi et à ceux qui, eux aussi, sont dans cette situation. Même lorsque les va-et-vient physiques cessent, le pendule interne continue d’osciller, dans un mouvement amplifié par le développement des communications, qui permettent d’exister dans son lieu d’origine sans y être. Ou de vivre à Paris le cœur ailleurs. Pas encore voire jamais d’ici, plus de là-bas, comme en témoigne le fossé qui parfois se dessine lors de retrouvailles avec d’anciens camarades restés eux au pays.
Un état reflétant la profonde et intime ambivalence d’individus désormais trop français aux yeux des leurs, mais toujours trop arabes aux yeux de la France, comme l’écrivain franco-libanais Sabyl Ghoussoub (né en 1988), qui fait de cette double identité le socle de son œuvre romanesque, ou encore le peintre Chafik Abboud qui résume : “Je ne suis plus libanais, je n’arrive pas à être français. Nationalité : étranger, et en général je m’en porte très bien.”
Paris comme la pièce d’un puzzle, la clé du mystère chez ceux qui ont du mal à se situer, quel que soit le côté de la Méditerranée où ils sont nés. La solution faite ville qui permet de ne pas rompre totalement avec le monde arabe, ou de le fuir, en sachant – voire espérant, comme atteint du syndrome de Stockholm – le retrouver au coin de la rue. Selon les mots de Wassyla Tamzali, “lorsqu’un Algérien arrive en France il ne quitte pas l’Algérie, il ne va pas dans un pays étranger”.
Quatre siècles après ses grands débuts, la relation qu’entretiennent Paris et gens de lettres arabes demeure teintée d’ambiguïté, tant la charge symbolique de la ville est parfois déconnectée de la réalité. L’idéalisation de la Ville Lumière continue d’arranger tout le monde : certains continuent d’y voir l’incarnation d’un univers étranger et intime à la fois, ainsi que le symbole d’une modernité dont ils font automatiquement partie en y étant physiquement. De manière générale l’expérience, du moins dans sa formulation aux autres, est positive : viennent le plus souvent ceux qui comptent trouver ce qu’ils sont venus chercher – à commencer par la confirmation de ce qui leur a été enseigné et de ce que les autres disent avoir trouvé –, s’inscrivant ainsi dans une généalogie du rapport intellectuel et artistique à la ville.
À trois reprises le dramaturge syrien Saadallah Wannous (1941-1997) vit à Paris. Fréquentant assidûment les salles parisiennes – surtout lors de ses deux premiers séjours –, pleinement conscient de l’ambiguïté des relations entre sa région d’origine et l’Occident, il évolue pour ainsi dire dans une bulle, pris tout entier par une volonté de disséquer le théâtre européen pour n’en tirer que ce qui pourrait sublimer le théâtre contemporain arabe, loin de toute imitation. Dans un juste retour des choses, son chef-d’œuvre Rituels pour une métamorphose sera, vingt ans après sa création en 1993, le premier texte arabe à entrer au répertoire de la Comédie française. Paris existe ainsi chez une très grande partie de ceux qui viendront séjourner en ses murs alors même qu’ils n’y ont pas encore posé le pied. Et sa découverte, quand elle arrivera enfin, ne sera pas tant une rencontre que des retrouvailles.
Au-delà des apparences, quitter Paris pour ceux “venus rendre l’utopie concrète” ou trouver sur les bords de Seine “le refuge de l’universel”, de surcroît pour rentrer dans un pays forcément terni par l’image qu’on en a conservé, serait un échec. Cet écran de fumée permet à la France de passer outre l’expérience coloniale et de se positionner comme le séduisant esprit des Lumières qui a précédé cette dernière et lui aurait survécu. La duperie est cordiale, pleinement assumée des deux côtés. Mais rares sont ceux épargnés par la confrontation au réel, quand bien même Ali Benmakhlouf affirme “en quarante ans, j’ai pu rencontrer la culture française, mais jamais la société française”. En soixante ans de présence parisienne, Adel Rifaat, lui, n’a ainsi “connu personne qui ne soit pas intimement dérangé par la France qu’il voyait, et dont la réalité transforme”, soulignant par ailleurs l’expérience des femmes de lettres de sa génération, dont “la rencontre avec Paris diffère” de la sienne : par la difficulté d’obtenir de ceux laissés chez soi la même liberté et la même estime que celles réservées aux hommes ; par une autre occupation du temps et de l’espace public, là où tant ont élaboré leur pensée et socialisé jusqu’à plus d’heure dans les cafés.
Au-delà de la déception inhérente aux fantasmes, et de la découverte dans un pays étranger des codes que l’on pensait pourtant connaître par les livres, la réalité la plus brutale est peut-être qu’aussi pétris de France qu’ils puissent être, les étrangers n’en font néanmoins pas partie, contributeurs par leurs repères d’un grand roman intellectuel national dont ils sont à leur arrivée exclus. Les illusions perdues viennent avec leur lot de victimes, et pour le récit en demi-teinte du cofondateur de Misr al-Qâhira Adib Ishaq ou le roman de Vénus Khoury-Ghata, Une maison au bord des larmes, inspiré de l’histoire du frère de l’auteure, brisé par son séjour parisien et décédé dans un hôpital psychiatrique pendant la guerre civile libanaise – combien de fêlures silencieuses ?
Dans la littérature arabe, la Ville Lumière n’est au final directement présente que lorsque l’auteur se met en scène en son sein, racontant à la première personne un récit dont le présent ouvrage esquisse les lignes : ne parlerait-on de Paris que pour parler de soi ? Pour les quelques exceptions, l’ambiguïté règne à propos de l’attrait d’une ville qui au final n’accueille pas toujours si bien ceux qu’elle fait rêver. Dans La Vie lente d'Abdellah Taïa, auteur marocain (né en 1973) résidant en France depuis 1999, le narrateur se confie rue de Turenne à un inspecteur de police. À travers son monologue surgit une vie faite de hauts et de bas, le portrait d’un Paris parfois cauchemardesque dans lequel néanmoins s’esquisse la séduction éternelle d’une ville-rêve.
Après La Nuit de l'étranger, dont le personnage principal est un jeune travailleur tunisien à Paris, La Voisine du cinquième, onzième roman de Habib Selmi (né en 1951) met en scène le quotidien bourgeois d’un professeur d’université d’origine tunisienne, écho lointain de la vie de l’auteur, professeur d’arabe en classes préparatoires et habitant du 11e arrondissement, juste en face incidemment de son éditeur, Farouk Mardam Bey. Au-delà de récits dont la glorification de la ville sert avant tout celui qui est au centre de celle-ci, voyageur ou intellectuel, ces exemples montrent un Paris à l’auréole ternie. Comment être soi vis-à-vis du pays d’origine dans cette ville qui est davantage un décor qu’un personnage ? Vivre à Paris devient une manière particulière de vivre sa double identité littéraire, tant la Ville Lumière fait historiquement partie d’un cadre de référence culturel et intellectuel dans le monde arabe, notamment pour certains pays.
Malgré cela, Paris offre un cadre ouaté dans lequel se laisser aller au plus profond de soi, et “vivre plus facilement une solitude choisie qu’ailleurs”. Dans la distance, le rapport à la terre natale quittée s’apaise, au gré parfois d’une réécriture de ce dernier, inavouée ou au contraire revendiquée comme partie intégrante du processus de création littéraire, chez le romancier libanais Souhaib Ayoub (né en 1989), qui déclare “si j’étais à Tripoli je ne pourrais pas écrire tout ça ; je ne suis pas historien, et ai besoin d’accéder à un imaginaire qui se développe grâce à la distance”. Avant d’ajouter : “Paris m’a donné cette invisibilité... je suis un fantôme qui entre, cherche et fouille partout.”
Rarement absent néanmoins, le pays des origines est permanent chez certains, cantonné à quelques quartiers du Caire pour Albert Cossery ou empruntant de nouvelles frontières pour Vénus Khoury-Ghata, “habitée par ce monde arabe qui revient dans [s]es romans”. Exilés et déçus quant à eux écrivent le monde qu’ils auraient aimé créer chez eux.