La nouvelle ministre française de la culture subit des railleries racistes

23 Mai, 2022 -
La nouvelle ministre de la Culture du président français Emmanuel Macron, Rima Abdul Malak (photo Nice Matin).

 

Muse de l'universalisme français, La nomination de Rima Abdul Malak par Emmanuel Macron marque une rupture dans le paysage politique national. Née au Liban il y a 44 ans, immigrée à Lyon quelques années plus tard avec ses parents, ancienne conseillère culture et communication de Macron, Abdul Malak est réputée travailleuse et incarne une nouvelle génération, une femme susceptible de faire bouger les choses.

 

Rosa Maria Branche

 

Quatre jours après la nomination d'Elisabeth Borne au poste de Premier ministre - la deuxième femme de l'histoire de France à occuper ce poste - et 31 ans après celle d'Edith Cresson qui avait fait face à des critiques tout au long de son mandat entraînant sa démission, le vendredi 20 mai.thl'Élysée annonce la composition du nouveau gouvernement.

"La Franco-Libanaise Rima Abdul Malak nommée ministre de la Culture", titre France 24 dans sa dépêche télévisée. Pendant ce temps, les noms des autres ministres Éric Dupond-Moretti, Damien Abad, Gabriel Attal, et Amélie Oudéa-Castérae défilent sans autre mention.

Les réactions fusent de toutes parts sur Twitter, pleines de racisme, teintées de connotations coloniales.

Rima Abdul Malak est-elle là pour amuser la galerie ? Les postes ministériels sont-ils réservés aux seuls Français gaulois ? Que dirions-nous si elle était algérienne ou guadeloupéenne ?

Identifier les personnes à leurs origines semble être un fait culturel bien établi. Quand accepterons-nous que les individus biculturels sont des Français à part entière ?

Je me souviens de l'image de l'ancienne ministre de la Culture, Kim Jong-sook, née à Séoul, naturalisée française sous le nom de Fleur Pellerin. Après une brillante carrière de haute fonction publique, elle est devenue, en 2014, la première personnalité d'origine asiatique à entrer dans un gouvernement français. Moins de deux ans plus tard, elle quitte la haute fonction publique pour rejoindre le secteur privé.

C'est précisément la culture qui pose question à ces personnes nées d'origine "étrangère". Mais qu'est-ce que la culture française : les châteaux de la Loire, Molière, Voltaire, Balzac, ou bien une culture hybride nourrie des échanges et des migrations modernes, riche de sa diversité, comme en témoigne la scène artistique actuelle ? (Pensons aux écrivains Tahar Ben Jelloun et Amin Maalouf, respectivement d'origine marocaine et libanaise, qui sont tous deux membres de l'Académie française, et écrivent toute leur œuvre en français...)

Au-delà de la langue, la Francophonie défend à l'échelle internationale les valeurs de solidarité, de diversité culturelle, de démocratie, de droits de l'homme et de droit à l'éducation.

Les Libanais sont bien placés pour le savoir. Ils ont des liens politiques et culturels avec la France depuis l'époque de Saint-Louis. Il y a des Libanais qui connaissent la culture française mieux que les Français. Ils sont, depuis des siècles, des ponts entre cette culture, la Méditerranée et le monde.

Après avoir débuté une carrière dans l'humanitaire, Rima Abdul Malak intègre la Mairie de Paris en tant qu'adjointe à la culture, sous l'aile de Bertrand Delanoë. En 2014, elle part poursuivre sa carrière outre-Atlantique à l'ambassade de France à New York, en tant qu'attachée culturelle.

Pendant la crise sanitaire, elle a occupé le poste de conseillère culturelle à l'Élysée, tissant des liens avec les syndicats. On l'a parfois appelée la " deuxième ministre " de la Culture, tant elle avait l'oreille d'Emmanuel Macron. Abdul Malak semble doté des compétences, de la méthode et de l'efficacité nécessaires pour gérer les enjeux post-covidiens de ce secteur.

Néanmoins, être à la fois transnationale et ministre française de la Culture semble continuer à poser quelques problèmes à certains. Avec Pap Ndiaye, historien noir des minorités, nouvellement nommé au ministère de l'éducation, Rima Abdul Malak est la mieux placée pour faire bouger les choses, être la ministre de tous les Français, et représenter la France dans un monde globalisé.

Le pluriculturalisme est une richesse - il est grand temps d'en prendre conscience.

 

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