"Palestine culinaire" - Fadi Kattan dans un extrait de Sumud

31 janvier 2025 -
Dans cet extrait exclusif du nouveau livre Sumūd : A New Palestinian Reader, édité par Malu Halasa et Jordan Elgrably, le chef Fadi Kattan partage plusieurs histoires et recettes. Les co-éditeurs du livre ont fait une tournée sur la côte Est des Etats-Unis pour présenter Sumūd à Harvard, à l'Université de Pennsylvanie et à l'Université de New York. Les restaurants ouverts le plus récemment par Fadi Kattan sont Akub à Londres et Louf à Toronto.

 

Fadi Kattan

 

Mansaf bien-aimé, le cheikh Daoud de Jéricho et la Bataille du Poulet

Lorsque je pense à la nourriture et à la prison, c'est l'histoire de feu Daoud Iriqat, leader de la communauté palestinienne, qui me vient immédiatement à l'esprit. Il a toujours été un modèle d'optimisme et de persévérance, portant haut et fier ses idéaux politiques à travers les sables mouvants de notre histoire régionale. Ayant passé de longues années en prison, puis en exil, la nourriture reflétait son identité ainsi que son intense désir de rentrer chez lui. Cependant, sa quête de nourriture derrière les barreaux était parfois elle-même dévorante, une nécessité pratique, une question de vie ou de mort.

La mère de Daoud était issue d'une vieille famille de Jérusalem, tandis que son père était propriétaire terrien à Abu Dis, de sorte qu'il a grandi entre la ville et le village. Jeune homme, il était religieux et allait prier à la mosquée Al-Aqsa. Comme ses amis et ses pairs n'étaient pas religieux, ils se moquaient souvent de lui en l'appelant « le cheikh », un surnom qui l'a suivi tout au long de sa vie. Il aimait plaisanter en disant que ses parents l'avaient envoyé en Égypte pour étudier la théologie à Al-Azhar en s'attendant à ce qu'il revienne savant, mais qu'en descendant du bus, il portait un oud en chantant.

Couverture Sumud
Sumūd est publié par Seven Stories Press.

Lorsqu'il se promenait dans Jérusalem, le frère aîné de Daoud, Ahmad, qui était enseignant et un intellectuel, le chargeait de distribuer le journal du parti communiste. Il a commencé à lire le journal et à en discuter avec son frère. C'est ainsi qu'il s'est forgé sa propre idéologie communiste léniniste.

Daoud a rejoint le parti communiste jordanien dans les années 1940 et, après la scission du parti, il est resté dans ce qui est devenu le parti communiste palestinien.

Il avait l'habitude de dire à sa famille une phrase qui résumait toute sa relation avec la nourriture : "Je déteste les assiettes vides". Ce refrain lui venait de sa mère qui, comme tant d'autres mères palestiniennes, était une cuisinière accomplie et une hôte généreuse.

Les souvenirs alimentaires de Daoud sont dominés par les somptueux mahshi, les « légumes farcis » préparés par sa mère. En Palestine, les habitants de Jérusalem sont connus pour les différents mahshi qu'ils préparent : courgettes, aubergines, feuilles de vigne, feuilles de chou, et bien d'autres encore. Cependant, le plat préféré de Daoud était le mansaf, ce plat copieux présent tant dans les traditions jordaniennes que palestiniennes, et qui contient de l'agneau fondant dans un yaourt fermenté et acidulé, servi avec du riz.
Mais Daoud ne pouvait que rêver du mansaf après avoir été emprisonné à la prison jordanienne d'Al-Jafr en 1957. Il a été condamné à seize ans de prison : un an pour avoir participé à une manifestation et quinze ans pour son appartenance au parti communiste.

Imaginez ce qu'a dû ressentir un homme qui s'épanouissait dans la culture, la musique et l'alimentation, lorsqu'il s'est retrouvé dans une prison nichée dans un désert aride et hostile.

Très vite, comme le racontera Daoud lui-même, lui et les autres prisonniers se sont focalisés sur ce qu'ils considéraient comme les nécessités de la vie : l'éducation, la nourriture et l'alcool.

Ils se sont organisés pour se donner des cours de politique, de langues et de musique. Pour les représentations musicales, Daoud avait fait sécher la coquille d'une courge pour en faire un oud.

Mais l'amélioration de la nourriture exigeait davantage d'imagination et de travail. Les rations que les prisonniers recevaient étaient pauvres en protéines et en fer, et ils ont eu tôt fait d'en sentir le manque. Cela les a motivés à mener à bien ce qu'ils ont appelé « l'opération poulet ».

Un chauffeur venait régulièrement d'Amman avec des stocks pour la prison, et les détenus ont réussi à lui faire passer un peu d'argent pour s'acheter leurs propres choses. Ils ont commandé des œufs de poule fécondés et se sont mis à construire des couvoirs avec du carton et d'autres matériaux de récupération, et tout ce qui leur tombait sous la main. Lorsque vingt-huit œufs sont arrivés, Daoud et ses camarades s'en sont occupés grâce en se relayant les uns les autres. Ils ont été ravis de les voir finalement éclore et donner naissance à 27 poussins en bonne santé.

Entre-temps, un ingénieur agronome qui, comme par hasard, se trouvait en prison avec Daoud, avait réussi à faire pousser des fasouliya (des « haricots verts ») et quelques autres légumes.

Comme les prisonniers n'avaient accès à aucun ustensile, huile ou épice, ils improvisaient. Ils utilisaient n'importe quelle boîte métallique pour faire cuire des œufs durs, tandis que la viande de poulet était souvent cuite et mangée en bouillon. Lorsque les fasouliya avaient poussé, tous fêtaient l'événement en dégustant une délicieuse soupe aux fasouliya et au poulet.

Le mansaf de Fadi Kattan
Le mansaf de Fadi Kattan (avec l'aimable autorisation de son Instagram).

Puis survint le grand revers des prisonniers, ce que l'on a appelé Al Maraket Al Jaj, « la bataille du poulet ». Le directeur de la prison, témoin du grand succès de l'élevage de volailles et n'ayant probablement pas de viande fraîche lui-même, a exigé un poulet des détenus. Après s'être réunis, les prisonniers ont collectivement décidé de s'opposer à cette mesure, qu'ils considéraient comme un pillage, une extorsion. Daoud se souviendra qu'il a tenté de les raisonner - en leur rappelant qu'ils étaient finalement impuissants - mais en vain.

Lorsque le directeur a appris qu'il ne pouvait pas avoir son poulet, il a fait une descente dans la ferme avec ses gardes et a confisqué tous les oiseaux et les livres des prisonniers. Pour ajouter l'insulte à l'injure, il a cassé l'oud de Daoud.
Ne se laissant pas décourager, les prisonniers ont repris leur projet de poulets à zéro. Ils ont poursuivi cette entreprise jusqu'à leur libération.

Malgré la créativité et les efforts considérables des prisonniers, la production d'alcool s'est toujours avérée beaucoup plus difficile. Une seule fois, au terme d'un long processus, ils sont parvenus à distiller une bouteille de boisson alcoolisée. Daoud lui donnait le nom, sans doute poli, d'arak.

Il s'est toujours souvenu de la fête enivrante organisée par les prisonniers enivrés par cette seule bouteille, et du son de son nouvel oud qui avait résonné dans le vaste désert jusque tard dans la nuit.

La liberté est enfin arrivée en 1965, lorsque le roi Hussein de Jordanie a gracié les communistes de la prison de Jafr. Tous les camarades ont été autorisés à rentrer chez eux.

Pour Daoud, cela signifiait se rendre à Jéricho pour retrouver sa famille, et arrivé à destination, il était clair qu'ils allaient tous fêter cela avec de pleines assiettes de ce mansaf qui lui avait si désespérément manqué.

Mais la liberté n'a pas duré.

Moins d'une décennie plus tard, en 1974, Daoud est à nouveau arrêté, cette fois à son domicile de Jéricho, par les forces israéliennes. Il était puni pour avoir signé la pétition reconnaissant l'Organisation de libération de la Palestine comme le seul et unique représentant du peuple palestinien.

Mais au lieu d'emprisonner Daoud, les soldats israéliens l'ont forcé à franchir la frontière libanaise et l'ont envoyé en exil. Les provisions - qu'il avait d'abord refusées - se limitaient à un sandwich et une pomme.
Au bout d'un certain temps, Daoud est parvenu à Beyrouth. Un an plus tard, il s'est installé à Damas. Étonnamment, en Syrie, il a trouvé le moyen de se faire envoyer certaines des saveurs si traditionnelles de Palestine : du fromage Nabulsi salé parsemé de graines de nigelle, du za'atar piquant et même de la goyave fraîche. Mais tout au long de son exil, il s'est plaint de l'absence de l'énorme pamplemousse juteux de son jardin de Jéricho.

Le deuxième retour de Daoud n'a eu lieu qu'en 1993. Une fois de plus, il a été accueilli avec un mansaf préparé avec amour.

Jusqu'à sa mort prématurée en 2020, la grande table de la terrasse du cheikh à Jéricho a toujours été un lieu où il régalait ses invités de ses plats préférés, et de ses sujets de réflexion. Sa foi en l'humanisme, l'universalité, la répartition équitable des richesses entre les citoyens et entre les pays, ainsi que son combat acharné en faveur de l'esprit critique et de l'éducation, ont toujours perduré.

Son rituel matinal était un moment sacro-saint au cours duquel il écoutait la radio tout en commentant l'émission de sa langue acérée en sirotant son café arabe. Mais les réunions de Daoud étaient toujours organisées autour de repas somptueux, il croyait au pouvoir du goût et des délices comme lien entre les gens. C'était toujours un honneur d'être invité chez lui, mais le plus grand honneur venait s'il vous appréciait vraiment. C'était alors à votre tour de pouvoir vous régaler de mansaf !


Gaza Fatteh : La nourriture de chez nous

Les souvenirs de plats sont délicats ! Cela fait si longtemps que je ne suis pas allée à Gaza, et pourtant je garde de merveilleux souvenirs du fatteh de Gaza préparé par feu Im Khader, la belle-mère de mon oncle. A mes yeux d'enfant, elle était sans doute la meilleure cuisinière de Gaza, une femme impressionnante qui préparait de délicieux festins, qui avait la meilleure recette de shatta et qui était également connue pour sa viande d'agneau célébrée par tous.

Pour les non-Arabes qui ne connaissent pas le fatteh traditionnel, il s'agit d'un plat populaire composé de pain pita grillé et souvent émietté, recouvert de diverses garnitures, selon qu'il est préparé en Palestine, au Liban, en Égypte, en Jordanie ou en Syrie. Parfois, il s'agit simplement de pita recouverte de pois chiches et de yaourt (dans la version végétarienne), mais il existe également des variétés à base de poulet, d'agneau ou de bœuf.

Lorsque je me replonge dans mes souvenirs de repas construits autour du fatteh de Gaza, je sens encore la combinaison de cette première bouchée de riz, de pain et de viande - très profonde, intense, terreuse - et le piquant rafraîchissant de la dugga (ou dukkah, semblable au za'atar, mais à base de noix et d'épices plutôt que de graines de sésame).

Il y avait toujours la dugga de Gaza mais aussi, toujours chez ma tante, quelques piments verts sur la table du déjeuner. La cuisine gazaouie est très différente de la cuisine béthléemienne, apportant avec elle cet air marin, ce piquant des piments et les longs repas sur la côte toujours complétés par une onctueuse mouhalabiya servie avec de la confiture de dattes.

Ces souvenirs datant de plus de trente ans semblent si irréels aujourd'hui.


Fatteh Ghazawiya
pour 8

viande et bouillon

8 morceaux de viande d'agneau avec l'os (250 g chacun) 10 tasses d'eau
2 cuillères à soupe d'huile d'olive 1 oignon, coupé en quatre
4 gousses d'ail
2 feuilles de laurier
2 cuillères à café de poivre noir 10 gousses de cardamome
2 bâtons de cannelle
1½ cuillère à café de baies de piment de la Jamaïque 3 cuillères à café de sel

riz et pain
2½ tasses de riz à petits grains 2 tasses d'eau
1 tasse de bouillon filtré
2 cuillères à soupe de ghee
3 pains shrak ou rkak

dugga
2 gousses d'ail
6 piments rouges frais
5 cuillères à café de jus de citron

garniture
1 tasse d'amandes
2 cuillères à soupe de pignons de pin

Instructions
pour la viande et le bouillon :
Dans une grande marmite, faire chauffer l'huile d'olive, cuire légèrement l'ail et les oignons, puis faire revenir la viande.

Ajouter les épices et bien mélanger la viande.
Ajouter toutes les épices, couvrir d'eau et porter à ébullition.
Réduire le feu, couvrir et laisser cuire pendant une heure et demie.
Lorsque le bouillon est prêt, goûtez-le et ajoutez du sel à votre convenance.
Filtrer le bouillon pour l'utiliser à la fois pour la cuisson du riz et pour le service.

pour le riz :
Faire tremper le riz pendant 30 minutes.
Dans une casserole, faire fondre le ghee, puis ajouter le riz et remuer pendant une minute ou deux.
Ajouter l'eau et le bouillon filtré.
Lorsque le liquide bout, revenir à feux doux, couvrir et laisser cuire jusqu'à ce que le liquide soit absorbé.
Séparez les grains de riz à l'aide d'une fourchette et réservez-les sur le côté.

pour les noix :
Dans une poêle, faire frire séparément les amandes puis les pignons.
Laissez-les s'égoutter sur du papier absorbant.

pour la dugga :
Épluchez l'ail et coupez les têtes des piments.
Dans un mortier et un pilon, piler l'ail et les piments avec une pincée de sel jusqu'à l'obtention d'une pâte grossière.
Ajouter le jus de citron et le sel selon le goût.

servir
Préchauffer le four à 180°C (350°F).
Déchirer le pain en gros morceaux et le faire griller au four pendant quelques minutes.
Dans un grand plat de service, disposer le pain et l'imbiber de bouillon jusqu'à ce que le pain ait absorbé le bouillon.
Ajouter une couche de riz sur le pain.
Disposer les morceaux de viande sur le riz.
Garnir d'amandes et de pignons de pin.
Servir la dugga à part pour que chacun puisse la saupoudrer à sa guise.


La mouloukhiya palestinienne de Fadi.
Le mouloukhiya palestinien de Fadi.

Une histoire orale de la Mouloukhiya (1)

La Mouloukhiya, cette verdure magique, détestée ou adorée sur les rives du sud et de l'est de la Méditerranée, est une herbe verte abondante qui se retrouve souvent dans un ragoût aux consistances diverses et à la longue histoire conflictuelle. Nous entendons ces expressions dans une multitude de dialectes : Warak willa na'ma ? (« Feuilles ou hachées ? ») Basal o khal willa basal o leimoun ? (« Oignons et vinaigre ou oignons et citron ? »), ils résonnent dans les conversations autour de ce ragoût divin. Mais pour les non-initiés, la mouloukhiya ressemble à un ragoût d'un vert profond, visqueux et souvent répugnant. Pourquoi la célébrons-nous au point d'en faire un véritable culte ?

En Palestine, la mouloukhiya est préparée différemment, de la traditionnelle mouloukhiya hachée servie avec du riz à celle tout aussi traditionnelle à feuilles entières servie avec du pain. Viennent ensuite les subtilités : Avec de la viande ? Au poulet ? Avec du lapin ? Et les petits détails qui changent la donne : tasha ail ou ail et coriandre, est-ce qu'on met une tomate dans le ragoût pour en enlever la viscosité ou la est-ce qu'on la laisse telle quelle ? À Umm Al-Fahem, la mouloukhiya est cuite entière et servie avec du khobz, du « pain », pour le tremper, à Jéricho, elle est hachée et cuite avec des quantités généreuses de piment et d'ail, à Jérusalem et à Bethléem, elle est cuite entière ou hachée avec de la viande d'agneau ou du poulet et servie avec de l'oignon haché dans du vinaigre ou de l'oignon haché dans du jus de citron.

Et les questions essentielles : est-ce que vous cuisinez la mouloukhiya uniquement quand c'est la saison ? Est-ce que vous la faites sécher ? Ou est-ce que vous succombez à la modernité en la congelant ? Pour moi, la mouloukhiya sèche et la mouloukhiya fraîche sont deux expériences différentes, chacune riche de saveurs et de souvenirs différents : l'un où l'on célèbre l'été, l'autre d'un ragoût d'hiver cuisiné avec une combinaison de nostalgie pour le soleil et de l'odeur de la salle mouneh (un garde-manger où tous les produits étaient stockés et où l'odeur de la mouloukhiya séchée régnait).

Quand je me souviens de la mouloukhiya, j'ai le souvenir d'une pièce sombre où je pouvais sentir l'odeur de la mouloukhiya séchée, mais je ne me souviens toujours pas si c'était dans la maison de Sido Nakhleh ou dans celle de Teta Julia, ou peut-être les deux. Et pourtant, je me souviens de la mouloukhiya qu'on sert, lors d'une cérémonie festive, avec la bonne soupière pour le ragoût, le long plat pour le riz, les petits bols pour les garnitures, puis les assiettes creuses, les cuillères généreuses, et enfin les hochements de tête joyeux de tous les convives lorsqu'on leur demandait s'ils en voulaient d'autres. Je me souviens aussi de Khadra, une femme qui travaillait chez mon grand-père, assise avec mes grandes-tantes Victoria et Regina, nettoyant la mouloukhiya de ses tiges, sur la terrasse surplombant Bethléem. Je me souviens aussi de ma tante Mai, originaire de Gaza, qui m'a appris l'amour des piments verts servis à côté de la mouloukhiya, et de leur craquant quand on les croque, le mélange des saveurs, la mouloukhiya bien terreuse, le riz, l'acidité du citron et la vivacité du parfum des piments. Même si j'aime cuisiner la mouloukhiya moi-même, je dois avouer que lorsque je veux la savourer pleinement, je demande à ma mère de la préparer. Sa mouloukhiya rend le sens arabe initial d'un plat royal à la perfection : la coriandre fraîche et l'ail, le pain frit, le savant dosage du ragoût ne ressemblent à rien d'autre.

En tant que chef, je cherche à repenser la cuisine palestinienne et je m'attache à mettre en valeur les produits locaux à l'aide de méthodes non traditionnelles. La pléthore de préparations pour la mouloukhiya me pousse à explorer sa texture et les possibilités qu'elle offre. Le changement le plus simple que j'ai effectué a été de faire frire la feuille fraîche dans un petit bain d'huile chaude et de la servir comme des chips, avec une pincée de sel ou avec une sauce composée du vinaigre et de l'oignon traditionnels, mais fouettée jusqu'à obtenir une consistance crémeuse, un peu comme une mayonnaise à l'oignon et au vinaigre. Mais mon plat préféré est basé sur une recette traditionnelle de mouloukhiya : je crée une boule de riz farcie d'un peu de mouloukhiya et de viande, je la sers sur une petite portion de ragoût infusé de citron et de vinaigre, et je la garnis de coriandre fraîche et d'ail frits - une bouchée de Loukmet Mouloukhiya !

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Le désir et la cuisine palestinienne
Attendez-la et ne vous précipitez pas. Si
elle arrive en retard, attendez-la.
Si elle arrive tôt, attendez-la.

- Mahmoud Darwish, "Leçons du Kama Sutra".

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Lorsque je pense au désir dans la cuisine, je pense à cette sensation de picotement lorsque l'on élabore une recette et que l'on attend... que l'on attend qu'elle passe de l'idée à la préparation concrète... puis à la cuisson. Puis à l'assiette. Et, à la première fois que l'on goûte. Et à la première fois qu'on la sert et qu'on attend que les premiers invités la goûtent.

Rien de tel que cette strophe du poème de Mahmoud Darwish, mise en musique par le fabuleux Trio Joubran, pour capter ces moments d'attente. Et pourtant, il parle d'un homme qui attend une femme, et non d'un cuisinier qui attend un plat dans une cuisine mal éclairée.

De tout temps, les cuisiniers ont été perçus comme des personnages un peu étranges, cachés dans des cuisines obscures, de demeures souvent nobles ou royales, au sous-sol. Ils conjuraient une sorte de magie mystique et impie pour créer des plats servis en grande pompe à la table des hôtes.

Le désir d'exceller, puis celui de partager le plaisir des saveurs avec les convives et le monde entier remplissent le chef d'une telle angoisse qu'il en devient souvent fou. Cela le pousse à bout et une frénésie de sentiments et de pensées traverse son esprit et son système nerveux à l'instant où culmine la séduction du plat et le profond désir de plaire.

Malgré leurs airs de grosses brutes et de bêtes insensibles, les chefs cuisiniers sont une drôle de race, mélangeant beaucoup de ce commandement autoritaire et quasi-rigide dans une cuisine tout en étant en eux-mêmes, je crois, les êtres les plus sensibles et les plus fragiles.

L'art de la table est proche du Kama Sutra : malgré des relations, des protagonistes et des éléments différents, ils sont similaires dans le rythme et l'attente, la construction et la tension, la rencontre des saveurs, des textures et de l'âme dans un plat, la révélation du plat final et ensuite le plaisir. Les chefs deviennent les créateurs et en même temps les âmes nues qui attendent le plaisir de partager une illumination avec l'autre. Le désir est l'expression de nombreux états et contextes, et pourtant, dans la cuisine, ils ne font plus qu'un : le désir d'une mère de partager sa nourriture avec son enfant, le désir d'un amant de séduire, le désir d'un patriarche d'assurer la perpétuation d'un métier, le désir d'un enfant de s'amuser, le désir de recréer un goût par nostalgie, et le désir intense de créer une idée géniale pour la postérité. Le tout enveloppé dans un petit récipient, un plat, une assiette, un bol qui les contient tous.

Et le désir de beauté ! Quel chef n'essaie pas d'arranger, de préparer, d'habiller son assiette dans ses moindres détails ? Quel chef ne se tourmente pas avant un rendez-vous pour choisir la version extérieure de son plat, les détails les plus fins de l'ornement et les détails les plus précis de la garniture ? Quel chef ne sent pas, dans un moment de folie, que son plat n'est pas assez beau pour ce rendez-vous et ne laisse pas alors libre cours à ses envies primaires en déconstruisant le plat, en éclaboussant la sauce dans un élan digne d'un créateur en mal de désir ?

-du 15 juillet2021 au 15 mars 2022

 

(1) Extrait de "An Oral History of Mouloukhiya from Egypt, Palestine, Tunisia and Japan", par Fadi Kattan, Nevine Abraham, Ryoko Sekiguchi et Boutheina Bensalem, Markaz Review.

1 commentaire

  1. Issue d'une famille de Bethléem qui, du côté maternel, a cultivé une culture francophone et, du côté paternel, une culture britannique, elle est aussi la fille, la belle-fille et la demi-sœur diabolisée et ostracisée de Fadi/Karim et Muna Kattan. Qu'ils ont détruite mentalement et émotionnellement par leur complicité. Née comme elle l'était, après leur père, alors qu'elle était étudiante en droit à Londres. Mon petit ami de l'époque m'a violemment violée et mise enceinte après avoir séduit ma meilleure amie. Fuad Kattan m'a ensuite fait croire que j'étais également responsable de ma grossesse. Il m'a également intimidée au bureau de l'état civil pour que je n'ajoute pas son nom de famille Kattan à l'acte de naissance de sa magnifique fille doppelgänger. Il nous a ensuite abandonnés sans aucun soutien financier. Lorsque sa fille est allée seule à Bethléem, à deux reprises, alors qu'elle était adolescente. Fuad et la femme de son cousin germain de cousins germains : Micheline lui a dit d'aller se faire voir ! Comme on peut le lire dans son poignant article en ligne : I Went to Bethlehem to find my Father - par Liza Foreman. Liza a également libéré Fadi Kattan de son détestable doyen des études commerciales à l'université de Bethléem. Elle était si désespérée qu'elle a écrit au gentil chancelier pour lui demander s'il pouvait persuader son père : Fuad Kattan, en tant que président du conseil d'administration, et Fadi d'entrer en contact avec elle. Ces deux charmeurs ont démissionné plutôt que de faire cela. Jusqu'à ce moment-là, sa mère contrôlante, Micheline Dabdoub-Kattan : Micheline Dabdoub-Kattan, avait empêché Fadi de réaliser son rêve de devenir chef cuisinier. Aujourd'hui, à plus de 35 ans, Fadi s'est enfin trouvé une paire et est devenu chef cuisinier. Tout cela grâce à sa demi-sœur armée. Cette dernière souffre d'insomnies irrépressibles et ne peut plus travailler à plein temps en tant que correspondante en chef de Variety pour l'Union européenne. Elle est donc pratiquement sans abri dans le centre de Paris, où Papa chéri posséderait deux appartements de luxe. Les Kattan le savent tous et s'en moquent. Même si le faux Fadi s'époumone à dire que Mamie Julia lui a appris à respecter et à vénérer toutes les femmes ! Comme le dit l'étonnamment courageuse Gisèle Pelicot : La honte doit changer de camp. Les Kattan sont, pour moi, une famille méprisable. Honte à eux....

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