En mémoire d'Elias Khoury, 1948-2024

15 septembre 2024 -

Quelques mots de la rédaction suite à l'annonce du décès d'Elias Khoury, le 15 septembre 2024.

 

Ce matin, je me suis réveillé avec la nouvelle dévastatrice de la perte de mon très cher ami Elias Khoury. À sa femme Najla, à ses enfants et à sa famille élargie, j'adresse mes plus sincères condoléances. J'avais un pressentiment, car j'ai essayé de l'appeler toute la semaine dernière pour savoir comment il allait, mais je n'ai pas eu de réponse. Je ne sais même pas quand nous nous sommes vus pour la première fois, car mes propres chronologies semblent être devenues aussi confuses et complexes que certaines des histoires d'Elias. En effet, si nous nous y autorisons, il s'avère que nous vivons dans une Nakba constamment présente, une catastrophe qui se manifeste aujourd'hui par le génocide qui a lieu à Gaza et, de plus en plus, dans le reste des territoires occupés. Je chérirai toujours l'irrévérence totale d'Elias pour toutes les formes d'autorité, son humour, sa profonde humanité et les blessures qu'il a subies au nom d'autres personnes et de choses plus grandes que lui. Comme notre cher ami commun Anton Shammas me l'a écrit depuis qu'il a appris la nouvelle : "J'essaye de recueillir les morceaux de mon cœur".

-Ammiel Alcalay


Ce matin, par hasard, j'ai remarqué mon exemplaire de Gate of the Sun d'Elias Khoury, dans sa traduction de Humphrey Davies, publiée par Archipelago Books, une maison d'édition new-yorkaise à but non lucratif, en 2005. Le livre trône en bonne place sur l'étagère de mon nouvel appartement depuis que j'y ai emménagé, et il y a quelques heures, sa présence m'a sauté aux yeux. Il se trouve que précisément à cette heure-là, Elias Khoury est décédé à Beyrouth. J'avais entendu dire qu'il était en mauvaise santé, mais je n'avais pas réussi à le joindre par les canaux habituels. Nous nous sommes rencontrés à Los Angeles, il y a de nombreuses années, chez une amie commune : la peintre libanaise Huguette Caland. Comme beaucoup de ses acolytes, je partageais avec Khoury une passion pour la culture arabe et la cause palestinienne pour la liberté et la justice. Avec empressement, Khoury a rejoint le conseil consultatif du centre culturel de Los Angeles que quelques-uns d'entre nous avaient créé quelques années auparavant, conseil qui comprenait notamment Saree Makdisi, Reza Aslan, Ammiel Alcalay et le poète Peter Cole. Bien sûr, l'ombre de Khoury portait loin, car beaucoup considèrent son roman Bab al-Shams comme un classique de la littérature arabe, traduit dans de nombreuses langues. Comme l'a noté un critique dans Le Nouvel Observateur, "La Porte du Soleil ne pourra jamais être vraiment fermée... comment fermer ce livre sans début ni fin... ?". L'héritage de l'histoire palestinienne que le roman dépeint avec brio est toujours d'actualité, car les souffrances de la Palestine se poursuivent alors que son aspiration à la liberté n'a pas abouti. La guerre contre Gaza n'est pas terminée et les colons de Cisjordanie continuent de rendre la vie des Palestiniens presque intolérable. Ce qui nous aiderait le mieux à nous souvenir et à commémorer le travail d'Elias Khoury serait, enfin, une solution non-militaire à l'une des plus longues occupations militaires du monde, et la fin du plus long apartheid que le monde ait connu depuis 1948. Repose en paix, Elias. Je te remercie pour tes mots.

-Jordan Elgrably


J'ai lu la plupart des œuvres littéraires d'Elias Khoury. Bien que je ne l'aie jamais rencontré en personne, j'ai ressenti un lien profond avec ses idées et ses convictions à travers ses écrits. Nombre de ceux qui ont suivi sa brillante carrière partagent probablement ce sentiment.

Les écrits de Khoury témoignent d'une remarquable générosité de pensée et d'un engagement inébranlable en faveur de l'honnêteté. Il croyait fermement que l'injustice, quelle que soit sa forme ou sa cible, était condamnable sans équivoque. En tant qu'intellectuel arabe, il luttait ardemment contre l'extrémisme dans toutes ses manifestations, tout en défendant fermement ses principes. Son soutien indéfectible à la cause palestinienne en a fait l'un de ses plus ardents défenseurs.

Ses œuvres phares, telles que Gate of the Sun (que j'ai relue l'été dernier) et Children of the Ghetto, ont joué un rôle inestimable dans la formation de ma conscience sociopolitique du Moyen-Orient. Bien qu'ayant étudié à l'AUB (American University of Beyrouth), ce n'est que des années plus tard, grâce aux chefs-d'œuvre littéraires de Khoury, que j'ai acquis une compréhension profonde du paysage sociopolitique complexe du Liban. Grâce à chaque livre, ma compassion et mon affection pour le pays et son peuple ont été ranimées, de même que ma compassion et mon affection pour la région arabe au sens large et j'ai redécouvert les raisons pour lesquelles, en tant que région et peuple, nous sommes là où nous nous trouvons aujourd'hui.

Le vide laissé par l'absence de Khoury s'apparente à la perte d'un ami proche et d'un mentor, et son décès représente une perte incommensurable pour la littérature arabe dans son ensemble.

- Rana Asfour

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