"La Lakshmi de banlieue", une nouvelle de Natasha Tynes

5 juillet 2024 -
Une influenceuse peut-elle sauver un mariage à la dérive ?

 

Natasha Tynes

 

"Tu te laisses aller." 

Amani n’arrivait pas à penser à autre chose. Etait-ce vraiment de sa faute ? S’était-elle intentionnellement négligée ? Ou n'était-ce pas tout simplement les marques de la quarantaine qui apparaissaient ? 

Les effets conjugués de la maternité et de la banalité de la banlieue résidentielle l’avaient-ils marquée pour toujours ? L’avaient-ils rendue peu attrayante, réduite à sa position une maman, lui avaient-ils ôté tout sex appeal et fait d'elle un être humain dont le seul objectif sur terre était d’élever et de s’occuper de son seul et unique enfant ?

Elle était au lit en train de scroller sur Instagram sans but précis alors qu’Elias, à qui elle était mariée depuis plus de cinq ans, dormait dans la chambre de leur fils. Cet arrangement avait commencé quand il lui avait dit que Rami, leur fils de trois ans, avait besoin de dormir et que ce serait mieux si son père était dans sa chambre. Il lui avait aussi dit qu’elle avait l’air épuisé et qu’il voulait l’aider. Sa considération était quelque chose qu’elle aimait chez lui.

Un an plus tard, Elias dormait toujours dans la chambre de Rami.

"Tu te laisses aller", lui avait dit sa sœur, qui vivait en Californie, au cours d'un FaceTime.

Elle l’avait appelée plus tôt dans la journée pour bavarder, et elle s’était confiée à sa sœur quand cette dernière avait suggéré quelques pistes pour redécorer la maison.

“Notre situation au niveau du coucher est un peu compliquée. Elias dort dans la chambre de Rami depuis quelques mois", avait-elle menti. Elle n’avait pas voulu dire que cela faisait plus d’un an qu’ils n'avaient pas dormi dans le même lit, un an qu’il l’avait touchée pour la dernière fois.

Mais une fois qu’elle avait parlé de sa « situation », elle avait pu voir l’expression horrifiée de sa sœur Shireen sur l’écran de son iPhone. 

Shireen s'était cambrée et avait écarquillé les yeux. "Tu as dit trois mois ? Trois mois entiers ?"

“Tu sais bien que Rami a toujours eu des problèmes pour dormir, et Elias est juste en train d’essayer de m’aider à le faire dormir. C’est rien de grave.”

"Tu sais qu'il couche ailleurs, n'est-ce pas ?"

Amani avait senti sa gorge se nouer. "Quoi ? Mais de quoi tu parles ? Elias ? Bien sûr que non !"

"Un homme ne peut pas rester sans femme aussi longtemps."

Sa sœur et elle n'avaient jamais prononcé le mot "sexe" à voix haute. Ce n'était tout simplement pas convenable, même entre sœurs ; elles l'évitaient et le remplaçaient par des mots comme "sommeil" et "lit".

"C'est pas comme ça", avait menti Amani. Mais bien sûr que c'était à propos de ça. Il ne l'avait pas touchée depuis bien trop longtemps.

Amani avait entendu sa sœur laisser échapper un tss. “Je n’arrive pas à croire que tu ne comprennens toujours pas les hommes. Tu es mariée depuis combine de temps déjà ? Cinq ans ? Tu es tellement naïve.”

“On travaille dur tous les deux, on est tout le temps fatigués, et Rami fait de gros caprices. Elias et moi, on s’aime. » Un autre mensonge.

“Ecoute-moi habibti, les hommes sont tous les mêmes. S’il n’est pas avec toi, il a ce qu’il veut ailleurs. Il faut que tu réagisses."

“Tu es beaucoup trop dramatique. Tous ces feuilletons turcs à l’eau de rose que tu regardes t’ont complètement lavé le cerveau."

“Oh ! S’il-te-plaît, épargne-moi tes traits d’esprit. Voilà ce qui arrive quand les femmes ne font plus attention à elles."

Amani avait secoué la tête. "Qu'est-ce que tu entends par là ?" 

Sa sœur avait levé les yeux au ciel. "Il faut vraiment que je te le dise ?"

"Oui, dis-moi", demanda fermement Amani.

"Tu te laisses aller." 

"Quoi ?"

"Regarde-toi : tes cheveux vont dans tous les sens. Pas de maquillage. Tu n'as même pas de boucles d'oreilles."

Amani avait à nouveau secoué la tête. "Je suis à la maison. Tu veux que je porte des boucles d'oreilles chez moi ?"

“Habibti, un homme veut une femme qui soit belle tout le temps, à la maison ou non. C’est pour ça que Dieu a créé les femmes à partir de la côte d’Adam. Nous avons été créées pour leur plaire."

"Je n'arrive pas à croire que tu sois aux États-Unis depuis des années et que tu penses encore ce genre de choses", avait répondu Amani. "Tu deviens de plus en plus comme mamie."

"Tu penses sincèrement que les hommes changent en traversant l'océan ? Ne sois pas stupide, frangine."


Amani continua de scroller sur Instagram sans but précis, en espérant oublier ce que Shireen lui avait dit : qu’elle ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même, que l’aversion que son mari ressentait pour elle était de sa propre faute, que si elle le perdait, ce serait elle la seule responsable.

Sur Instagram, Amani regardait des reels de mamans en train de danser et de faire des blagues sur leur vie épuisante et leur bébé. Elle tombait sur des vidéos d’immigrés arabes de la première génération qui se moquaient gentiment de leurs parents, qui essayaient de s’assimiler à la culture américaine avec difficulté. Elle continuait de passer les posts les uns après les autres quand elle la trouva. Mira Lakshmi. Elle portait un bikini noir et une chemise blanche négligemment posée sur les épaules. Sa coiffure donnait l’air d’avoir été faite sans efforts, quelques mèches lui encadraient le visage. Amani s’attarda sur le teint lisse couleur olive de Mira. Chaque courbe et chaque ligne de son corps produisaient une élégante impression de féminité et de pouvoir. Sa posture irradiait de féminité. Une beauté sous toutes les coutures.

Quel âge a cette femme ? Elle est mannequin, non ? C'était pas elle dans cette émission de cuisine ? Elle était mariée à un écrivain célèbre, n'est-ce pas ? Elle alla sur Google.

Mira Lakshmi a 53 ans. C'est fou !

Comment faisait-elle pour être aussi belle à son âge ? 

Selon Google, Lakshmi était née dans un petit village indien et était arrivée aux Etats-Unis pour faire mannequin, aujourd’hui elle était divorcée et avait un enfant. Comment elle, ne s’était-elle pas laissée aller ? Etait-ce le résultat de la magie de Photoshop, ou peut-être de la chirurgie esthétique et d’un coach à demeure qui lui coûtait une fortune ? 

Peut-être qu'elle prend ces pilules amaigrissantes, l'Ozempic ou le Wegovy ou que sais-je.

Amani continua de faire défiler les publications de Mira Lakshmi sur Instagram. On la voyait appuyée près des plaques dans sa cuisine, habillée d’un bustier noir alors qu’elle remuait des légumes dans un wok. Une autre photo la montrait avec sa fille près de la piscine. Sur encore une autre, elle apparaissait la tête en bas dans une espèce de posture de yoga compliquée. Une posture qu’Amani n’aurait en aucun cas le courage d’essayer. Ni maintenant, ni jamais.

C'est fou !

Vraiment ? Elle a vraiment cinquante-trois ans ?

Cette nuit-là, Amani eut du mal à dormir, elle tourna et retourna dans son lit. Serait-elle jamais aussi athlétique et belle que cette Lakshmi ? Est-ce que c’était déjà trop tard pour elle à 40 ans ? Est-ce que c’était réellement possible de ressembler à ça à 50 ans ? Est-ce que ce n’était que des images générées par l’intelligence artificielle ?

Amani finit par sortir de son lit, descendit jusqu’à la cuisine et se servit un verre d’eau. La maison était entièrement silencieuse, c’en était presque sinistre. Elle aurait aimé qu’Elias dorme près d’elle. Peut-être qu’il l’aurait réconfortée alors qu’elle n’arrivait pas à dormir. Dormir sur son torse toute la nuit lui manquait. Que lui était-il arrivé ? Pourquoi s’était-elle autorisée à s’effriter petit bout par petit bout ? Elle était devenue une maman de banlieue résidentielle, sans une trace de maquillage, qui se baladait en tongs et dans des pantalons trop larges, des cernes sous les yeux, les cheveux dans les tous les sens, ses épaules voutées et son dos aussi, un ventre un peu trop gros et une silhouette où les muscles semblaient avoir perdu tout tonus. S'était-elle laissée complètement happer par la banlieue américaine où les femmes vont à Target en pyjama ?

S'était-elle laissée aller jusqu'au point de non-retour ?

Le lendemain, elle était vaseuse au réveil. Elle ouvrit doucement la porte de la chambre de Rami. Elias et lui dormaient profondément l’un contre l’autre. Elle sourit. Ils étaient si mignons, si innocents quand ils dormaient. Elle avait une demi-heure pour se préparer pour le travail avant qu’ils se réveillent. Elle alla à la cuisine allumer la machine à café. Pendant qu’il passait, elle ouvrit Instagram et examina la page de Mira Lakshmi. Elle observa ses bijoux : des pendants d’argents aux oreilles et une long collier bohème, où alternaient des séries de perles rondes corail et turquoise, elles étaient enfilées sur un fil noir et au milieu pendait un ovale d’argent. Elle alla sur Amazon et chercha un « collier bohème ». Elle fit défiler les résultats jusqu’à ce qu’elle trouve ce qu’elle cherchait. Ça fera l'affaire. La différence était que le pendentif sur Amazon était en forme de croissant et que les perles étaient de couleurs différentes. Il y avait quelques différences : le pendant était en forme de demi-lune et les perles d’une autre couleur. Elle le commanda. Livraison en un jour ouvré. Elle sourit de nouveau.

On n'est jamais déçue au pays de la satisfaction instantannée.


Durant les jours qui suivirent, Amani se lança dans une folie acheteuse, cherchant minutieusement un article après l’autre, chacun devait lui donner l’air moins d’une maman et davantage d’une femme, une femme comme Mira Lakshmi.  

La suite de son plan d’action visait à changer son corps. Elle devait moins manger et faire du sport. Peut-être qu’elle pouvait commencer par marcher plus. Une balade dans le quartier sur sa pause de midi. Il faisait si chaud dehors. Le mois de juillet à Washington D.C. était un enfer. Les étés jordaniens lui manquaient, ils étaient bien plus agréables et plus doux, sans cette humidité et avec des soirées fraîches. 

Elle chercha la salle de sport la plus proche de son bureau afin de pouvoir y aller pendant sa pause à midi ou peut-être tôt le matin. Elle était assistante de programme dans une agence de développement international. Le boulot était la plupart du temps ennuyeux. Cela consistait à envoyer des emails ici et là. A aider avec les réponses aux appels à projet et à répondre aux interlocuteurs du Moyen Orient qui préféraient parler arabe qu’anglais.

Elle trouva une salle de sport à quelques minutes de marche du bureau. Elle commencerait avec des cours collectifs, des trucs sympas comme la zumba ou les cours d’aérobic. Courir ou soulever des altères, ce n’était pas pour elle, enfin, pas pour l’instant.


Les journées d’Amani changèrent d’aspect. Elle se levait plus tôt que d’habitude, préparait le déjeuner de Rami pour la crèche, puis se rendait en voiture à la station de métro pour prendre le train pour aller au travail dans le centre de Washington, son sac de sport et ses affaires de bureau sur les épaules.

Elle arrivait au bureau à 7h30 quand personne n’était encore là, elle laissait ses affaires et mettait sa tenue de sport, elle marchait jusqu’à la salle de sport à côté du travail. Elle y allait parfois durant la pause de midi, quand il y avait un cours qu’elle aimait bien. Quand il était l’heure de rentrer, elle était trop fatiguée pour faire quoi que ce soit d’autre.

"Tu t'occupes du dîner ce soir", demandait Elias de temps en temps par texto alors qu'elle était dans le métro pour rentrer.

"Trop fatiguée, j'ai pris un cours ce soir après le boulot."

"Je vois. Je vais prendre une pizza du coup."

Sa mâchoire se serra. Encore une pizza, c'est le troisième soir de suite ! "Tu ne peux pas faire à manger pour une fois ?", lui répondit-elle par SMS.

"Tu sais bien que je suis aussi fatigué que toi, et il faut encore que j'aille récupérer Rami. Tout ne tourne pas autour de ta petite personne, tu sais ?"

Amani relut son message. A quel moment est-il devenu si méchant ?


Deux mois après avoir embarqué sur le chemin qui devait la transformer en son héoïne personnelle, Amani ne passait plus inaperçue auprès de ses collègues, de ses amis et des inconnus dans la rue. Ils la regardaient, ils la regardaient vraiment, ou peut-être que ce n’était que dans sa tête. Elle s’en fichait. Elle se sentait bien et cela se voyait. Même sa démarche avait changé. Plus confiante. Meilleure posture. Quand elle parlait à quelqu’un, elle se tenait droite et repoussait ses épaules un peu en arrière pour ouvrir sa poitrine.

Désormais, on lui répétait souvent "Comme tu as minci !" et "Comme tu es belle !"

Même sa sœur Shireen le remarqua. "Je le vois sur ton visage. Tu as perdu du poids", lui dit-elle sur FaceTime.

"Sans doute", répondit Amani.

"Elias est revenu dans votre chambre ?"

"Oui, oui", mentit-elle. "C'était juste temporaire."

"Je te l'avais dit. Les hommes sont tous les mêmes. Il fallait juste que tu te reprennes en main pour qu'il revienne en courant."


Ah, Elias, que t'est-il arrivé ? Que nous est-il arrivé ?

Amani ne pouvait s'empêcher de se remémorer l'époque quand elle lui était attirante, ou du moins c'est ce qu'elle pensait.

A-t-il jamais été amoureux de moi ?

Ils s’étaient rencontrés en ligne, sur l’une de ces applications de rencontre. Il était déjà installé aux Etats-Unis et travaillait pour un cabinet d’architectes à Washington. Il avait obtenu le poste après l’université. Un ami l’avait recommandé et il avait été engagé comme consultant, trois ans plus tard, il était devenu chef de projet. Il excellait à ce poste et avait été promu avant de finalement obtenir une green card et une femme américaine. Un mariage qui dura quelques années avant qu’il ne réalise qu’il ne pourrait construire quelque chose de solide qu’avec quelqu’un de sa communauté.

Quand il revint en Jordanie pour rendre visite à ses proches, il était déterminé à se trouver une femme. Il voulait une vie traditionnelle, enfin une vie commode, peut-être plus que traditionnelle.

Il voulait une femme, une famille et une maison dans les banlieues résidentielles, et le moment était venu. Il avait l’âge, un travail qui faisait chic et un mariage raté derrière lui.

Quand ils se parlèrent pour la première fois sur l’application, ils se mirent d’accord pour se rencontrer dans un café loin du centre d’Amman, loin des regards indiscrets.

Amani le trouva bel homme. Grand, des yeux couleur noisette, une peau couleur olive et un bouc noir, il portait des lunettes à la monture noire aussi. Elias réussissait bien et avait de l’ambition. C’était un bon parti, notamment pour une femme de son âge. Elle avait déjà 35 ans quand ils se rencontrèrent et elle pensait qu’elle n’avait pas le luxe de se montrer trop exigeante. Elle savait qu’elle ne tomberait pas follement amoureuse de lui, comme elle l’avait vu dans les livres et dans les films, mais elle s’en fichait.

Il cochait toutes les cases : un beau, riche Jordanien chrétien, une minorité au sein d’une autre minorité, comme elle, et il lui donnait l’opportunité d’aller vivre en Amérique. Que voulait-elle de plus ?

Qu’est-ce que c’était que ce grand amour de toute façon ? Elle n’arrêtait pas de se dire que ce n’était qu’une invention de fiction et de poésie. Cela ne durait pas, ce n’était que nos hormones qui jouaient avec notre cerveau. Elias était parfait.

Ils se marièrent un an plus tard et elle partit aux Etats-Unis encore six mois après, les formulaires d’immigration dûment remplis. Ils s’installèrent dans une banlieue résidentielle du Maryland, prêts à embarquer dans leur nouvelle vie. Amani n’aurait pas pu être plus heureuse. 

Je ne peux pas rêver d'un meilleur mari.


Elle était vierge quand ils se marièrent, chose qu’elle n’avait pas voulu partager avec ses amis américains. Qu’auraient-ils pensé d’elle ? Une vierge de 35 ans ? Une erreur de la nature ?

En Jordanie, bien sûr, on attendait des femmes qu’elles restent vierges aussi longtemps qu’elles n’étaient pas mariées. Si elles osaient franchir cet interdit et faire l’impensable, elles étaient mises au ban de la société, elles devenaient des parias.

Amani ne pouvait parfois s’empêcher de s’étonner du renversement de la définition de paria avec une simple traversée de l’Atlantique. Paria si vous étiez vierge, paria si vous ne l’étiez pas.

Elle voulait rattraper le temps perdu et se découvrir en tant que femme avec son nouvel homme, son premier homme, mais elle voulait également des enfants tout de suite, elle ne se soucia donc pas de la pilule. (Ça perturbe les hormones de toute façon, ou en tout cas, c’est ce qu’on lui avait dit.)

Au début, ils couchaient ensemble très souvent. Ils essayèrent encore et encore. Ils virent un docteur après l’autre, un spécialiste après l’autre jusqu’à ce qu’elle tombe enfin enceinte de Rami à 38 ans. Elle ne pourrait donner qu’un enfant à son mari. C’est ce qui était écrit pour elle. 

“Au moins, tu lui as donné un garçon. », lui avait dit Shireen au téléphone quand elle l’avait appelée en larmes après s’être résignée au fait que Rami serait fils unique.

Amani s’était toujours demandée si Elias était épuisé d’avoir dû s’occuper d'elle et des drames liés à son infertilité et si c’était cela qui l’avait éloigné. Peut-être lui en voulait-il secrètement de n’avoir pu lui donner qu’un enfant.

Au moins, je lui ai donné un garçon.


Elle sortit de la douche, la vapeur d’eau remplissait la pièce, elle attrapa une serviette accrochée près de la baignoire. Elle prenait encore sa douche le soir. Cinq ans passés aux Etats-Unis et elle n’avait toujours pas pris l’habitude de se doucher le matin avant le travail, comme le faisait la plupart des Américains. Ces douches le soir lui permettaient de se laver de tous les poisons de la journée. De se détendre. Alors qu’elle se séchait, elle se regarda dans le miroir au-dessus du lavabo. Elle aima ce qu’elle y vit.

Son visage était plus fin. Elle passa ses doigts sur les contours et sentit la douceur de sa peau, résultat d’une routine de soin du visage rodée (cinq étapes tous les jours). Elle regarda ses seins et passa sa main sur son ventre. Le petit ventre de Bouddha était toujours là, mais il était devenu plus petit et plus mignon. Elle était belle. Elle avait vraiment fait de beaux progrès. Ses efforts n'vaient pas été faits en vain. Alors qu’elle continuait de se regarder, elle sentit sa mâchoire et ses poings se serrer, ses ongles lui rentraient dans la paume des mains.

Comment a-t-il pu continuer à m'ignorer ? Comment a-t-il pu ignorer cela ?

Elle noua la serviette autour d’elle, sortit furieuse de la salle de bain et se dirigea vers son bureau. Il travaillait tard pour rattraper du travail en retard (c’est ce qu’il avait dit en tout cas) alors que Rami jouait sur son iPad assis sur un pouf au milieu de la pièce. L’odeur légère de son parfum imprégnait la pièce, cette même odeur qui l’avait fait tomber amoureuse de lui les premiers jours de leur histoire.

Elle détestait cette chambre et évitait d'y mettre les pieds autant que possible. Elle était censée être une chambre d'amis ou une chambre pour leur deuxième enfant, mais ce deuxième enfant n'est jamais venu, et les invités ne sont presque jamais venus.

Cette pièce était dorénavant son refuge de mâle, de mâle célibataire qui plus est. Chaque fois qu’il ne voulait pas interagir avec elle, il s’y rendait en disant qu’il avait du travail. Mis à part un bureau à bas prix trouvé sur Amazon et un pouf trouvé chez Ikea, la pièce était bien vide. Pas un tapis sur le parquet, même pas de stores à la fenêtre. Il ne voulait pas qu’elle la décore. Il l’aimait comme ça. Virile.

Elle n’avait pas à se plaindre, se disait-elle encore et encore. Il avait un travail, un bon travail qui subvenait à leur style de vie de riches Américains de banlieue résidentielle, de leur prêt immobilier à leur abonnement à la piscine en passant par leur voyage en Jordanie chaque année, à la maternelle qui coûtait cher, et jusqu’aux courses à Whole Food. Oui, elle aussi gagnait de l’argent, mais il n’était qu’à elle et servait à ses virées shopping, aux cadeaux pour les grandes occasions ici et là, fête des pères, anniversaire de mariage, son anniversaire à lui. Elle utilisait aussi cette argent pour aider sa famille qui était restée en Jordanie, et il n’avait jamais émis la moindre objection, il comprenait. La famille était une priorité. C’était un homme bon. Il s’occupait d’eux et bien plus encore. Elle n’en trouverait pas de mieux.

Quand elle entra dans son bureau, il regardait son écran d’ordinaire, subjugué par ce qui ressemblait à une vidéo. Est-ce qu’il était en train de regarder YouTube ?  

C'est ce qu'il fait dans ce taudis qui lui sert de bureau ? Des vidéos YouTube toute la journée.

Elle a laissé tomber sa serviette sur le sol. Elias ne l'a pas remarqué.

""Regarde ça", dit-elle en faisant courir son doigt sur son corps nu. "Regarde ce que tu rates."

Elias releva la tête de son ordinateur et une expression de terreur se forma sur son visage. Il lança un regard vers Rami, qui était occupé à tapoter sur son iPad. « Va-t-en, s’il-te-plaît. Il faut que je travaille. J’ai une deadline. »

"Quelle deadline ?", s'écria-t-elle. "La deadline de la YouTube Academie ?"

Il laissa échapper un soupir. "Ferme la porte derrière toi, s'il-te-plaît."


Elle regardait par la fenêtre du bus dans lequel elle avait pris place pour aller à New York. Elle entortillait le collier qu’elle avait autour du coup entre son pouce et son index. C’était le collier, le bohème plein de couleurs qui lui rappelait celui de Mira. C’était ce collier qui avait lancé la chaîne d’événements de ces derniers mois : des achats et de sa mise en beauté à la salle de sport, au décompte des calories et à la coloration de ses racines grisonnantes pour être aussi belle qu’elle. Mira Lakshmi.

Elle sentit son téléphone vibrer dans la paume de sa main. Elle le retourna et vit un message WhatsApp de sa sœur sur le groupe familial. C’était une photo de sa fille Lily en tutu. « Le spectacle de danse est sur le point de commencer », avait-elle écrit en arabe.

Amani sourit et répondit : “Siiii chou », tapa-t-elle en anglais.

Amani pensa combien elle aurait été contente d’avoir une fille. Elle se serait amusée à l’habiller. Elle se serait occupée d’elle et aurait même échangé des conseils maquillage quand elle aurait atteint l’adolescence. Elle lâcha un soupir. Elle avait 42 ans. Son rêve d’avoir une fille ne se réaliserait probablement jamais.

Elle joua avec son collier et ferma les yeux en pensant à l’excursion qui l’attendait.  

Elle avait fait ses recherches à fond sur Mira Lakshmi. Elle savait qu’elle habitait à Manhattan, quelque part aux alentours de la Trump Tower, et qu’elle était régulièrement vue en train de se balader ou de s’arrêter dans l’un des Starbucks des environs. Sa fille, une adolescente, était parfois avec elle et était tout aussi belle et élégante qu’elle.

Amani n’avait pas de plan. Elle voulait juste voir Mira Lakshmi pour lui montrer qu’elle l’avait inspirée à se reprendre en main et à devenir une personne que les autres admireraient. Qu’elle l’avait poussée à se faire passer avant les autres, quelque chose qui allait à l’encontre de ce que l’on attendait d’elle en tant que mère et épouse.

Elle pourrait juste dire bonjour et se présenter. Elle pourrait lui dire qu’elle était une immigrée, une femme noire, comme elle, et que d’avoir vu son énorme succès l’avait inspirée.

Elle voulait la remercier d’exister, de s’être mise en avant, d’avoir montré aux autres femmes noires, aux autres femmes qui parlaient avec un accent, que le monde pouvait les accepter, que l’Amérique pouvait les mettre sur un podium, que le monde les voyait.

Amani avait méticuleusement choisi sa tenue ce jour-là. Elle faisait écho à l’une des tenues que Mira portait dans une interview pour Vogue . C’était une robe avec une seule bretelle, faite d’un tissu texturé avec un motif aux couleurs rouge et orange. Sur la robe, Amani avait drapé un châle pâle et qui avait l’air doux. Elle avait choisi des bottes hautes et marron pour aller avec sa tenue, ainsi que des créoles dorées comme boucles d’oreilles. Ses longs cheveux bruns étaient lâchés et couvraient ses épaules nues. Elle avait fait attention à bien mettre de la crème anti-frisottis avant de partir, parce que ces cheveux avaient parfois une vie parallèle si elle ne les domptait pas. Elle voulait qu’ils aient l’air doux et brillants, comme ceux de Mira. Avant de partir en excursion, elle avait attrapé le collier bohème.


Elle avait dit à Elias qu’elle allait à New-York pour la journée. Que son entreprise lui payait l’aller-retour en train rapide pour qu’elle assiste à la réunion du Conseil d’administration et qu’elle aide pour la logistique. Elle lui avait dit qu’elle serait rentrée un peu après minuit.

Il avait râlé quand il s’était rendu compte qu’il devrait partir plus tôt pour récupérer Rami. “Tu te rends compte que je vais encore devoir prendre une pizza. J’aurais pas le temps de faire à dîner. », lui dit-il quelques jours auparavant alors qu’ils étaient tous les deux dans la cuisine. Elle remplissait le lave-vaisselle et Rami jouait avec la machine à glaçons du réfrigérateur.

"Pas de problème. Mais au fromage, s'il-te-plaît. Tu sais bien que Rami n'aime pas les pepperonis."

Rami continua de tripatouiller le bac à glaçons en évitant de les regarder dans les yeux.

"Tu te rends bien compte que je n'ai pas le choix, hein ? C'est pour le boulot. C'est pas comme si j'allais faire un tour en ville", lui dit-elle.

Amani n’avait pas besoin de beaucoup mentir pour couvrir ses arrières ou même de prendre son ordinateur portable pour rendre crédible son voyage d’affaires. Elle savait qu’Elias s’en fichait ou ne le remarquerait pas. Il était bien trop concentré sur son travail et son fils. Son mariage et sa femme arrivaient à la dernière place de sa liste de chose à penser.

Il avait fallu des années à Amani pour se rendre compte qu’Elias avait déjà pris sa décision. Il avait rapidement compris qu’il ne pourrait pas être à la fois un mari et un père. Que son esprit masculin ne pourrait pas manier plusieurs tâches à la fois. Il ne pourrait pas bien faire les deux. Il avait dû choisir et avait choisi Rami. Il avait choisi d’être un père parmi toutes les autres possibilités qui existaient. Et tant pis pour son mariage.

Amani regarda le siège vide à côté d’elle. Elle aurait aimé que quelqu’un soit assis près d’elle. Peut-être qu’elle se ferait un ou une nouvelle amie, quelqu’un qui partagerait son admiration pour Mira Lakshmi.

Elle se frotta le front avec ses doigts et poussa un lourd soupir.

Elias a peut-être raison. Peut-être que je suis juste égoïste.

Le plan d’Amani était de sortir du bus à la Penn Station de New-York, puis de prendre un Uber jusqu’à la Trump Tower sur la Cinquième Avenue et de se balader en ayant l’air fabuleuse tout en cherchant le moindre signe de Mira Lakshmi. Elle s’arrêterait dans les restaurants, les parcs et les cafés aux alentours, elle flânerait en espérant réaliser son rêve.  

Amani laissa encore échapper un soupir et regarde par la fenêtre. Ils étaient arrivés au péage du New Jersey et ils arriveraient bientôt à destination. Elle avait des papillons dans le ventre, comme une adolescente amoureuse, un sentiment qu’elle n’avait pas eu depuis longtemps. Elle se demanda ce que Shireen penserait d’elle. Une mère qui abandonne son mari et son enfant pour se lancer à la recherche d’une célébrité. Est-ce que sa sœur remarquerait d’autres changements chez elle quand elles se verraient chez elle à Noël dans quelques mois ?


Amani s’assit à une table au Starbucks le plus proche de la Trump Tower à Manhattan, elle buvait un café latte. Elle n’aimait pas vraiment les lattes mais elle avait dû commander quelque chose alors qu’elle s’était assise là, faisant de l’ordre dans ses pensées et repassant en revue le plan sur lequel elle travaillait déjà depuis plus d’une semaine. Il fallait qu’elle ait l’air d’être à sa place, ici à Manhattan. Elle voulait avoir l’air d’être l’une des leurs, elle voulait se sentir comme l’une des leurs, une New-Yorkaise. Tout comme Mira l’avait fait en changeant le cours de sa vie, en devenant une grande célébrité qui se baladait dans les rues de New-York alors qu’elle avait grandi dans un petit village en Inde. Amani ouvrit l’application Notes de son téléphone et analysa la liste des sites où Mira Lakshmi avait été vue. Elle était assise dans l’exact Starbucks où l’influenceuse avait été repérée. Amani regarda autour d’elle, mais aucun signe de Lakshmi. Elle regarda la queue des gens qui attendaient pour aller aux toilettes, Mira n’y était pas.

C'est pas grave. Je la trouverai bien quelque part. 

Elle reprit la liste des sites, il y avait deux autres Starbucks. Il y avait aussi un restaurant indien et un restaurant italien, un petit parc de quartier en face de la rue où Mira avait été vue en train de boire un café (ou une autre boisson chaude) en parlant avec un ami. Il y avait aussi cette galerie commerciale très chic et Central Park, où on l’avait photographiée en train de courir. Il y avait aussi un restaurant français à Soho, un hôtel de grand standing à Greenwich Village. Amani finit son café et décida d’aller au prochain site le plus proche. Le restaurant italien. Il était déjà midi et elle avait très faim. Elle réfléchit à ce qu’elle allait commander. Le moins cher du menu. Peut-être même juste que des pâtes sans sauce. Ou alors, on s’en fout et je me fais plaisir. Je commanderai ce que je veux et c’est tout. Peut-être même que je prendrai en verre de vin en l’attendant.

Elle resta au restaurant italien un peu plus d’une heure. Elle but deux verres de vin pour accompagner ses spaghettis bolognaise tout en regardant autour d’elle en espérant apercevoir Mira. Elle se sentait un peu pompette et un peu trop rassasiée, elle décida donc d’aller se balader à Central Park. On était en octobre et la météo n’aurait pas pu être plus agréable. Elle mit ses AirPods et commença à marcher dans le parc. Elle voulait quelque chose qui lui serve à planter le décor, elle choisit donc sa playlist de Fairuz sur Spotify. Elle prit une grande inspiration et commença à marcher. Elle regardait autour d’elle : des cyclistes, des enfants, des amoureux qui se tenaient la main, des sans-abris, des femmes seuls, des hommes seuls, des femmes avec leur chien, des hommes avec leur chien.

Elle se demanda qui pouvaient être ces gens qui se baladaient dans le parc au beau milieu de la journée à Manhattan. Est-ce qu’ils n’ont pas de travail ? Est-ce qu’ils sont tous rentiers, ou peut-être que certains d’entre eux profitent de la retraite qu’ils ont pu prendre très tôt en mettant beaucoup d’argent de côté ? Est-ce que leur compagnon les ignorait ? A quand remontait la dernière fois qu’ils avaient couché avec quelqu’un ou senti un corps chaud en train de dormir à côté du leur ? Elle continua de marcher, d’analyser et d’imaginer jusqu’à ce qu’elle ait besoin d’une pause. Son téléphone vibra. Un appel d’Elias. Elle ne répondit pas. Elle ne voulait pas qu’il lui gâche sa journée. Il appelait sans doute pour se plaindre des dépenses sur le compte joint. Tous ces achats Amazon. Les bijoux, les habits. Il faudrait juste qu’elle se crée son propre compte Amazon pour éviter ces désagréments.

Elle sortit du parc et décida de son prochain arrêt. Cette fois, ce serait le restaurant indien où Mira avait été vue deux fois. Elle prendrait un dessert. Elle avait lu quelque part que beaucoup de célébrités comme Mira choisissait des moments inhabituels pour aller au restaurant pour ne pas être vus. Peut-être que Mira serait là-bas en train de siroter un lassi à la mangue. Quand Amani entra dans le taxi, elle vit qu’elle avait un autre appel manqué d’Elias.

Et si elle était partie quelques jours de New-York et que j’étais en train de perdre mon temps ? Non, non, il faut que je pense positivement. Je le manifeste et tout ça. C’est comme ça que les choses arrivent.


Amani fut accueillie par un jeune serveur Indien avec un immense sourire, il l’amena à sa table. Elle se sentait déjà épuisée. Elle commanda un lassi à la mangue et regarda autour d’elle. Pas de signe de Mira. Elle mit ses AirPods et ouvrit Instagram. Elle fit défiler les reels les uns après les autres. Elle vérifia la page Instagram de Mira pour vérifier qu’elle n’avait pas raté de posts. Rien. Elle n’avait rien posté depuis des jours. Peut-être était-elle en effet partie de New-York quelques jours. Son téléphone vibra et un sms de deux mots d’Elias apparut. « Réponds-moi. » Elle prit une grande inspiration et le rappela.

"Salut", dit-il. Elle entendait Rami pleurer un peu plus loin.

"Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi Rami n'est pas à la maternelle ?"

Les pleurs de Rami se firent plus bruyants.

"Il a eu un accident", répondit Elias.

"Quoi ? Je ne t'entends pas ? Pourquoi est-ce que Rami pleure autant ?"

Amani se leva de sa chaise et se dirigea vers les toilettes du restaurant.

"Un accident", répèta Elias.

"Qu...Quel accident ?"

"La maternelle a appelé. Rami est tombé de la balançoire. Il est tombé la tête la première sur une branche. Il aura besoin de points de suture autour de ses yeux, et ils ont peur qu'il se soit griffé la cornée."

"Quoi ?" Amani sentit son cœur tomber dans sa poitrine. "Qu'est-ce que tu dis ?" 

"Je te dis que ton fils est blessé, Amani. On est aux urgences. Ils viennent de terminer les points de suture, mais on attend qu'un spécialiste regarde sa blessure à l'œil."

Amani sentit un liquide acide remonter dans sa gorge. "Il va guérir, n'est-ce pas ? Il va s'en sortir, hein ?"

"Le premier médecin pense que oui, mais ils doivent s'assurer que la griffure n'entraînera pas de perte de vision, du coup on attend le test."

Amani sentit ses mains trembler. "Comment est-ce qu'il se sent ? Je peux lui parler ?"

"Je ne pense pas que maintenant soit une bonne idée. Ils lui ont promis une glace à l'eau, ça le fait patienter, mais il a mal."

"Je rentre à la maison", dit-elle.

"Quand ?"

"Maintenant. Je prends le prochain train."

"Et ton Conseil d'administration ? C'est fini ?"

"Ils comprendront.

"Je gère ici", dit Elias. "Je voulais juste te le dire. On se voit ce soir. Pas besoin de te presser. On attend juste les derniers tests. Ça va aller, il va s'en sortir."

"Je n'attends pas. Je rentre à la maison maintenant."

Amani ramassa ses affaires et sortit en courant. Elle ne savait pas où elle courait. Elle devait retourner à la gare. Peut-être qu'elle trouverait un taxi pour l'y emmener et qu'elle attendrait à la gare. Ou peut-être qu'elle pourrait acheter un ticket en ligne. 

Elle devait partir à 20 heures et revenir dans le Maryland à minuit. Il était déjà 17h00. Est-ce qu'il y avait un bus avant huit heures ? Peut-être qu'elle pourrait payer le double pour le train rapide.

Elle courut, son sac à main noir hors de prix se balançant sur son épaule. Elle vit un taxi vide. Elle le héla et le vit ralentir au bord du trottoir où elle se trouvait.

Elle aperçut une poubelle au coin de la rue alors qu'elle s'apprêtait à monter dans le taxi. Elle poussa un soupir et retira avec force son collier, dont elle brisa le fermoir.  

Elle le jeta à la poubelle.

 

Natasha Tynes travaille actuellement sur son deuxième roman.

Natasha Tynes est une auteure jordano-américaine du Maryland et une contributrice régulière à des publications, parmi lesquelles le Washington Post, Nature Magazine, Elle et Esquire. Ses nouvelles ont été publiées dans Geometry, The Timberline Review et Fjords. Sa nouvelle « Ustaz Ali » a été primée au prestigieux festival littéraire annuel F. Scott Fitzgerald en 2018. Tynes est l’auteur du roman littéraire spéculatif They Called Me Wyatt (Rare Bird Books, 2019). Elle anime le podcast, Read and Write with Natasha, qui présente des auteurs et des éditeurs. Elle contribue à Stories from the Center of the World: New Middle East Fiction, édité par Jordan Elgrably (City Lights Books, 2024).

 

les aspirations des immigrésvie des immigrésinfluenceur internetJordaniemaman mielleuse

1 commentaire

  1. Je l'aime bien pour l'instant. Le reste devrait être bon aussi. Oui, c'est vrai. J'ai pu m'identifier à plusieurs parties de l'histoire.

Laissez un commentaire

Votre adresse électronique ne sera pas publiée.Les champs obligatoires sont marqués d’un *.

Devenir membre